Dans un long post publié sur Facebook, l’économiste Ridha Chkandali, professeur émérite et figure reconnue du débat budgétaire en Tunisie, attaque deux symboles du projet de loi de finances 2026 : les retraites privilégiées des responsables politiques et l’impôt sur la fortune.
Deux mesures qu’il juge, selon ses mots, “injustes et économiquement périlleuses”, révélatrices d’une politique budgétaire “déconnectée des réalités sociales”.
Repris ensuite par La Presse de Tunisie, son texte éclaire une même idée : la justice économique passe par la moralisation du pouvoir et non par la punition fiscale.
« La justice économique ne consiste pas à punir la richesse, mais à moraliser le pouvoir », écrit-il en ouverture.
Pour l’économiste, la Tunisie souffre moins d’un manque de ressources que d’un déséquilibre dans la répartition des efforts : les sacrifices, dit-il, sont souvent exigés “des mêmes couches sociales”, tandis que “les privilèges politiques persistent”.
Les retraites politiques, symbole d’un État social dévoyé
Ridha Chkandali consacre une large partie de sa note à la question des retraites privilégiées accordées aux ministres, secrétaires d’État, députés et hauts responsables.
« Les ministres ne mourront pas de faim ! » lance-t-il. « Ils doivent percevoir leur pension selon leur profession d’origine, comme tout citoyen tunisien qui a servi trente-cinq ans. »
Il estime que ces avantages, octroyés parfois après quelques années de mandat, contredisent la notion même d’État social.
« Le rôle de l’État social n’est pas d’augmenter les salaires, mais d’améliorer la qualité des services », ajoute-t-il, invitant à réorienter les ressources vers la santé, l’éducation et les caisses sociales.
Cette suppression, plaide-t-il, aurait une portée symbolique et éthique, rétablissant la confiance entre citoyens et institutions.
L’impôt sur la fortune, une fausse justice fiscale
Autre cible du professeur : l’impôt sur la fortune prévu dans le projet de budget.
Chkandali le juge “dangereux”, rappelant que plusieurs pays l’ont abandonné après l’avoir expérimenté.
« Une telle taxe risque d’entraîner la fuite des capitaux, d’encourager l’économie parallèle et d’aggraver la crise de liquidités », prévient-il.
À la place, il propose une fiscalité incitative et dégressive :
« Quand le bénéfice d’une entreprise augmente, le taux de performance doit diminuer. Cette logique pousse les institutions à déclarer leurs profits et réduit l’évasion fiscale. »
L’objectif, selon lui, n’est pas de taxer davantage, mais de rendre la croissance productive et transparente.
Pour une refondation éthique de la politique budgétaire
Au-delà de ces deux mesures emblématiques, Ridha Chkandali avance plusieurs pistes structurelles :
- réserver les emprunts directs auprès de la Banque centrale à des investissements productifs ;
- financer l’acquisition de panneaux photovoltaïques via la STEG pour réduire le déficit énergétique ;
- soutenir l’agriculture d’élevage pour faire baisser les prix de la viande et des œufs ;
- réduire les frais bancaires illégaux et revoir les prix des médicaments.
Toutes ces recommandations obéissent à une même logique : restaurer la cohérence entre justice sociale et productivité économique.
« L’État social doit d’abord être un État juste », conclut-il. « Tant que les sacrifices seront supportés par les mêmes, aucune réforme ne sera crédible. »
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