Ce qui vient de se passer en Tunisie est historique. Un peuple porté par sa jeunesse est parvenu à se libérer seul, pacifiquement sans le moindre soutien extérieur, d’une dictature implacable de bandits. Des bandits menés par un scélérat qui a fui comme un lâche. Une lâcheté qui renvoie à un abîme de déshonneur et de honte tous ceux qui l’ont soutenu. Il ne faudra plus jamais oublier que les dictateurs sont d’abord des lâches qui tiennent leur peuple par la peur. Une peur qui a aujourd’hui durablement changé de camp.
L’urgence maintenant c’est de ne pas se faire voler cette victoire par des apparatchiks dont l’agenda est guidé par la panique. Le peuple ne cédera rien sur ce point. Nous n’en sommes pas arrivés là pour laisser le même système en place. Un système conduit par des hommes qui nous ont méprisés, avec la certitude que nous n’étions que des sujets, incapables de réagir face aux humiliations et à la corruption. L’armée qui est restée digne durant cette révolution doit nous protéger des miliciens qui pillent et sèment la terreur. Des miliciens de Ben Ali, cocus et humiliés après la fuite de leur chef.
Le premier ministre n’a pas d’autres choix ce matin que d’embrayer sur l’accélération de l’histoire en allant plus loin que les fausses promesses de Ben Ali. Il doit organiser la transition en émettant des signes forts, bien plus forts que son discours timide et insuffisant d’hier soir. S’il reste, il est face à une opportunité historique qu’il ne faut pas manquer. Non seulement un gouvernement d’union nationale doit être constitué avec pour seul agenda l’organisation d’élections mais il faut également que le RCD soit aussitôt dissous, avec une arrestation immédiate des principaux membres corrompus de l’ancienne administration avec la réquisition de leurs biens, seuls gages acceptables d’un homme illégitime politiquement.
La victoire est grande mais les risques de dérapages et de confusion sont réels. N’ayons pas peur pour autant.
Le chemin parcouru est énorme. Il faut à la fois temporiser et s’unir pour construire et rester ferme sur les exigences de liberté et de démocratie. Des mots, que l’on croyait oubliés, dans le monde arabe, en Tunisie et qui ont repris toute leur force aujourd’hui parce que des hommes ont été capables de mourir pour les écrire sur les pages de notre histoire. Il ne faut pas trahir leur sacrifice.