La décision du conseil de la Choura du mouvement Ennahdha, réuni en catastrophe les 5 et 6 octobre pour rediscuter l’initiative proposée par le Quartette, n’a aucune valeur juridique après la signature de la feuille de route par Rached Ghannouchi, président et représentant légal du mouvement. Sa signature sur la feuille de route vaut engagement solennel et politique en raison de la qualité du signataire et de la nature du document.
Par rapport à la qualité du signataire, Cheikh Rached Ghannouchi a agi en tant que représentant légal du mouvement, conformément à l’article 28 de ses statuts qui dispose que le président représente le parti à l’égard des tiers, à l’intérieur du pays et à l’étranger. Il n’a donc pas besoin d’un mandat spécial pour assurer ce rôle et son intervention à ce titre n’est pas soumise à la ratification d’une quelconque instance du parti.
Par conséquent, la décision du conseil de la Choura qui se contredit diamétralement avec les dispositions de la feuille de route n’a aucun fondement réglementaire. Les tâches du conseil, clairement définies dans l’article 25 des statuts du parti, se limitent à l’élection des membres du bureau exécutif, l’approbation de la politique du parti et de son budget, le contrôle des dépenses et des recettes, le suivi des travaux du bureau exécutif et la proposition d’amendements dans les statuts.
Sous un autre angle, cette décision s’apparente à une remise en cause de la signature par Rached Ghannouchi de la feuille de route. Or, en vertu de l’article 25 susvisé, le conseil de la Choura n’est pas habilité à s’opposer aux actes du président dont la validité n’est subordonnée à aucune formalité préalable. En outre, ces décisions sont inopposables aux tiers et ne sont d’aucun effet juridique à leur égard.
Les dispositions des statuts sont en parfait accord avec celles prévues dans le droit commun. Suivant l’article 5 du code des obligations et des contrats, l’engagement de la personne morale prend naissance et devient irrévocable dès sa conclusion par le biais de son représentant légal.
Par rapport à la nature du document consistant en la feuille de route et bien que ne s’agissant pas d’un texte de loi, le fait qu’il soit accepté dans le cadre d’un consensus lui confère la valeur d’un acte contraignant. Il s’agit bel et bien d’un engagement légal qui implique une obligation de faire que les parties engagées doivent accomplir. En vertu de cette obligation, il leur est requis de redéfinir la mission de l’ANC, de mettre un terme au mandat du gouvernement en place et de désigner un nouveau gouvernement.
Aussi bien dans le cadre des concertations avec les partenaires qu’au niveau des instances décisionnelles, les partis politiques qui ont signé la feuille de route doivent agir conformément à leur engagement. Le fait de ne pas s’y conformer représente un manquement à une obligation légale car le document n’est pas un simple engagement moral à l’instar de la qualification donnée au document de Iyadh Ben Achour qui a été rejeté dès les premières réunions de l’Assemblée Constituante. Il représente un engagement ferme que les signataires et les partis au nom desquels ils ont agi doivent respecter.
Ainsi, le mouvement Ennahdha qui est l’un des signataire de l’engagement doit donner les instructions nécessaires à ses représentants dans le gouvernement et dans l’ANC pour ne pas bloquer l’application de la feuille de route, notamment, en ce qui concerne la démission du gouvernement et son remplacement par un nouveau. Ces derniers ne sauront s’insurger contre ses instructions sous peine de mesures disciplinaires pour insubordination.
De leur côté, les décideurs à la tête du parti ne pourront pas se détourner de l’engagement sous quelque motif que ce soit dès lors où l’exécution de l’obligation qui leur est impartie ne dépend pas d’autrui.
A souligner, enfin, qu’en vertu du décret- loi sur les partis politiques, ces derniers doivent respecter la loi et les principes de la république. En cas de non-conformité, ils s’exposent aux sanctions prévues dans ce texte et qui peuvent conduire jusqu’à la dissolution du parti en cas de persistance de l’infraction.