Tunis Hebdo | Il ne fallait pas être devin pour prévoir la seconde attaque massive des terroristes contre la ville de Ben Guerdane. Celle-ci constitue une cible privilégiée pour les islamistes qui ont cherché à mettre un pied en Tunisie dans une ville frontalière avec la Libye, là où ils bénéficient d’une liberté de mouvement réelle voire totale face à des autorités gouvernementales absentes, pour ne pas dire davantage.
L’attaque traitresse du 7 mars dernier réalisée par l’entremise de mercenaires principalement tunisiens, en attendant la fin de l’enquête, avait failli prendre de cours les forces sécuritaires qui surent réagir avec promptitude et efficacité. La lâcheté des assaillants est telle qu’ils ont assassiné des citoyens chez eux et ont obligé, pendant quelque temps, d’autres à leur prêter allégeance.
La résistance de la population
Mais cette tentative désespérée de prendre pied dans notre pays, a complètement avorté face, non seulement à la réactivité des forces de sécurité, tous corps confondus, mais aussi à la résistance de la population qui a clairement et unanimement rejeté la trahison y compris de certains parmi leurs proches, originaires de la région.
La contribution et le soutien moral, psychologique et matériel fournies par la population a certainement galvanisé nos forces armées qui ont montré leur totale loyauté au drapeau national et à ce pays millénaire que des rétrogrades veulent renvoyer au tréfonds de l’obscurantisme.
Cette solidarité a désorienté les terroristes
Cette solidarité et cette communion entre les valeureux défenseurs de la patrie et le peuple a probablement désorienté les terroristes qui croyaient agir en terrain conquis, s’attendant peut-être à être accueillis en « héros » libérateurs. Les habitants de Ben Guerdane ont exprimé leur totale allégeance à la patrie, provoquant un formidable élan d’unité nationale.
C’est cette unité nationale entre toutes les composantes du peuple tunisien qu’il s’agit aujourd’hui de renforcer afin qu’elle serve de socle à toute œuvre de construction dans le futur. Si on se réfère à l’histoire récente de notre pays, l’unité nationale a été l’objectif majeur des précurseurs, des bâtisseurs de l’Etat.
La solidarité est devenue un apparat médiatisé
Habib Bourguiba en avait fait l’un de ses principaux chevaux de bataille, avec la lutte pour le développement et la propagation du savoir. Il y est largement parvenu faisant de la Tunisie un pays assez cohérent du nord au sud, même si les bienfaits du développement économique n’ont pas, ou peu, touché certaines régions.
Mais la libéralisation économique a amené avec elle ses « valeurs » comme l’individualisme qui a atteint sous l’ère de l’ancien régime son paroxysme. Les liens entre les différentes couches sociales se sont distendues, la solidarité était devenue un apparat médiatisé assimilée à de la charité et le peuple avait perdu la noblesse du sentiment d’appartenir à une même patrie sauf dans des circonstances exceptionnelles lorsqu’on le manipulait et le manœuvrait.
Les « croyants » et les « mécréants », les « bons musulmans » et les « mauvais »
Après le 14 Janvier, cette unité nationale s’est manifestée de belle façon pendant les premiers temps avant de voler en éclats suite à l’avènement et à la multiplication de certains partis politiques. Si on revient aux discours de certains de ces partis, notamment ceux qui prennent la religion pour fondement, la société tunisienne a été divisée en deux, les « croyants » et les « mécréants », les « bons musulmans » et les « mauvais ».
Ce discours avait provoqué le développement de la violence verbale et physique, et avait préparé le lit au terrorisme. Il fut ensuite relayé sur le terrain par d’occultes associations, de douteux personnages et finalement par le règne de trois années de la Troïka qui a fini par morceler le pays à un point tel que l’on a assisté à deux assassinats politiques contre justement deux personnalités, Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, qui avaient toujours défendu l’idée de l’unité du peuple tunisien.
Une réaction sincère et instinctive
Aujourd’hui, et pour lutter contre le terrorisme et la menace des « Daechistes », on nous reparle de l’unité nationale. Sauf que cette fois, les partis et les hommes politiques se retrouvent hors du processus dans la mesure où l’union du peuple tunisien s’est faite de manière spontanée, par le bas.
Dans toutes les régions du pays, dans toutes les villes, il y a eu une réaction sincère et instinctive à l’égard des forces de sécurité pour lesquelles on a témoigné d’un soutien inconditionnel et à l’égard de la patrie qui unit tout le peuple tunisien.
Cette incapacité des gouvernants qui sont loin d’être en symbiose avec la population
Cette unité nationale est aujourd’hui notre arme la plus efficace contre les terroristes. Mais, aussi pour commencer à bâtir la Tunisie nouvelle, celle qui assurera l’avenir de tous ses enfants. Mais le gros problème qui demeure le plus préoccupant, c’est cette indigence et cette incapacité des gouvernants qui sont loin d’être en symbiose ni avec la population, ni avec les exigences du moment.
Lorsque le Chef du gouvernement se déplace sur les lieux, à Ben Guerdane, une semaine après l’attaque terroriste, lorsqu’on ne prend aucune mesure à caractère économique ou social, lorsqu’on continue de gérer le pays comme s’il n’y avait aucun danger qui le menace dans son existence même, c’est que l’on n’est pas arrivé à comprendre comment gouverner ce pays et comment mobiliser son peuple vers une grande épopée de reconstruction.
Les traîtres sont encore parmi nous, terrés…
La Tunisie a besoin aujourd’hui de renforcer ses assises, de consolider ses acquis en termes de combativité et de générosité, d’affermir les liens qui unissent tous les citoyens parce que le péril terroriste est loin d’être définitivement écarté. A Ben Guerdane, nous avons probablement remporté une bataille, très importante sur le double plan stratégique et psychologique, mais les traîtres sont encore parmi nous, terrés, attendant d’agir.
Autrement dit, la vigilance ne doit plus jamais se relâcher et la participation populaire doit demeurer active car rien ne pourra se faire, ni réussir sans le soutien et l’appui des citoyens.
L.L.