Ministre des Finances de la Troika, Elyes Fakhfakh est en train de gagner ses galons de ministre le plus haï du gouvernement. Avec une arrogance de mauvais aloi, ce ministre n’a pas cessé depuis des semaines d’attirer l’attention sur lui. Présent sur tous les medias, il semble soigner sa communication en essayant de vendre une image de marque bien factice.
Issu d’un des partis croupions de la Troika au pouvoir, Fakhfakh est en passe de devenir l’homme le plus impopulaire de Tunisie. En chute libre dans l’estime des Tunisiens, il dame le pion dans ce domaine aux faucons d’Ennahdha qui font la pluie et le beau temps dans les ministres qu’ils dirigent.
D’ou provient ce rejet de Fakhfakh ? Grosso modo, c’est la loi de finances qu’il a pondu qui est en train de polariser sur lui toutes les rancœurs. Aussi bien les milieux d’affaires que la classe moyenne reprochent à ce ministre de les sacrifier sur l’autel d’une Troika en panne d’idées et de vision sociale.
Ainsi, le ministre prévoit une loi de finances qui va renforcer la pression fiscale sur les entreprises et augmenter les prix des produits de base. De la dynamite en cette période de crise !
En effet, les prix de l’essence devraient substantiellement augmenter tout comme la taxation sur les automobiles. Désormais, il deviendra bien plus cher de posséder une voiture qui est un outil indispensable pour de nombreuses familles. Beaucoup d’autres impôts vont accentuer la pression sur les classes moyennes.
Dans le même temps, de façon subreptice, des campagnes orchestrées par plusieurs cadres de la finance publique instillent dans le débat la possibilité d’une prochaine augmentation du prix du pain sur fond de polémique sur la compensation étatique de certains produits de base.
Se voyant en grand argentier de la Troika, Fakhfakh affirme vouloir aller chercher l’argent là où il se trouve. Ce qui signifie en clair qu’il pense qu’il faut imposer davantage les entreprises, quitte à les pénaliser en temps de crise. Le ministre de la Troika cherche également à augmenter la pression sur les classes moyennes, fierté et singularité de la Tunisie, qui sont déjà à genoux.
Les projets de Fakhfakh se heurtent en ce moment à une vive opposition qui va en se radicalisant. Plusieurs choses sont reprochées au ministre issu des rangs d’Ettakatol :
1. On soupçonne, dans les milieux politiques, que Fakhfakh et ses mentors ne soient en train de tendre un piège au prochain gouvernement dont devrait accoucher le dialogue national. Cette loi de finances serait dans cette optique une peau de banane pour les successeurs de la Troika qui, techniquement, est démissionnaire.
2. Du côté de la Banque centrale, le gouverneur Chedly Ayari reproche à cette loi de Finances son manque de vision et le fait qu’elle ne propose ni cohérence ni plan d’ensemble pour le développement. Venant du gouverneur de la BCT, le propos inquiète.
3. Pour les milieux économiques, Fakhfakh a tout faux. En effet, les ressources qu’il escompte mobiliser n’amélioreront pas le sort des plus pauvres, livrés à eux mêmes. Pour eux, c’est plutôt le train de vie de l’Etat qui est à revoir ainsi que la situation de plusieurs entreprises publiques aussi budgétivores que peu performantes.
4. Avec la sagesse populaire qui lui est coutumière, la rue fourmille de reproches à l’encontre du ministre. Les uns disent qu’il devrait économiser des milliards en mettant au pas les députés de la constituante dont les « revenus » sont ressentis comme exorbitants par le petit peuple. En ce sens, les hausses salariales dont bénéficie le président provisoire Marzouki, les armées de conseillers qui l’entourent, la pléthore de ministres et de cabinets qui se nourrissent sur le budget sont autant de points qui reviennent dans toutes les conversations.
D’autres voix évoquent le train de vie et l’affairisme de la nouvelle nomenklatura qui donne l’impression d’amasser des fortunes en un temps record grâce à de généreuses compensations versées par l’Etat aux militants ayant souffert des abus de Ben Ali. A ce titre, le petit peuple demande plus de transparence et voit, avec regrets les trajectoires de ceux qui, revenus d’un exil somme toute doré en Europe se sont installés dans le confort des beaux quartiers et l’argent des compensations qui ne sont pas remises en question.
C’est à haute voix que les petites gens et la classe moyenne commentent les voitures de fonction, les milliers de litres d’essence gratuits, l’ignorance de plusieurs ministres des réalités vécues par les Tunisiens. Les gens se demandent si Fakhfakh connait le coût de la vie, s’il n’a jamais pris le métro de sa vie, s’il fait son marché comme tout le monde. Ils préviennent aussi en rappelant que la Tunisie a une histoire heurtée avec les prix du pain et reprochent au ministre son arrogance.
5. En effet, le ministre Fakhfakh a mis carrément les pieds dans le plat en s’en prenant publiquement au petit peuple, en parlant sans modestie du salaire des Tunisiens, en n’ayant aucun scrupule à ignorer la souffrance et les difficultés qui mènent la vie dure aux Tunisiens. Cette déclaration malheureuse de Fakhfakh à propos du salaire des Tunisiens a littéralement fait exploser l’image de cet homme.
A force de jouer avec de l’essence, Fakhfakh est en train de se griller complètement. Sa loi de finances est quant à elle en train de le couler complètement. L’homme a perdu l’estime des Tunisiens, ne convainc personne et, pire, semble jouer avec une bombe à retardement.
Alors que de plus en plus de Tunisiens évoquent les dérapages de la révolution et prient pour une rectification historique, la loi de finances Fakhfakh est le dernier acte du discrédit du gouvernement de la Troika. Ce projet vaut aussi à Fakhfakh le statut de ministre le plus détesté de la Troika.
Certains parlent d’un sabordage du budget de l’Etat. D’autres, avec cynisme, soulignent que Fakhfakh est tellement grillé qu’il en est devenu un Bouazizi virtuel qui jouerait avec la nouvelle étincelle qui risque d’emporter tout sur son passage.
Dorra