C’est la question que ce posent la majorité des Tunisiens et des observateurs qui ont suivi la conférence de presse tenue hier par Taieb Laguili. Les révélations faites à ce propos, reposent sur un faisceau d’indices. Des photos et des séquences vidéo montrant des dirigeants et hauts responsables du mouvement Ennahdha en compagnie d’Abdelhakim Belhadj, une note de la direction générale de la sûreté nationale, datée du 4 janvier 2012, mettant en garde contre sa présence clandestine en Tunisie, des agissements suspects de certains éléments jihadistes qui ont précédé l’assassinat de Chokri Belaid et des ordres incohérents émanant de certains cadres de police. (voir la présentation effectuée par Taïeb Laguili en PDF).
La chronologie des événements, telle que présentée par le conférencier, laisse apparaître une causalité entre les faits présumant l’existence d’une implication de la part des responsables d’Ennahdha dans l’assassinat de Chokri Belaid. Mais peut-on conclure qu’avec cette présomption la boucle est bouclée comme l’a annoncé il y a quelques jours Taieb Laguili sur Nessma TV ?
Tout d’abord, il s’agit d’une présomption et selon la loi, la présomption n’est admise comme moyen de preuve que dans le cas où elle s’appuie sur des faits concordants. Sa prise en considération par le juge dépend de son appréciation souveraine des faits et des actes et de son intime conviction. (voir article 150 du code de procédure pénale)
Selon la version des faits avancée par Taieb Laguili, la succession des événements dans le temps démontre qu’Abdelhakim Belhadj qui est impliqué dans des actes terroristes est entrée illégalement dans le territoire tunisien en compagnie de certains de ses partisans. Puis, il a été accueilli par des responsables d’Ennahdha et a rencontré d’autres dirigeants alors que le ministère de l’Intérieur a mis en garde contre cette présence suspecte. Par la suite, Chokri Belaid a été assassiné.
L’existence des documents produits lors de cette conférence de presse n’a pas été contestée par le ministère de l’Intérieur qui a tout simplement remis en cause l’authenticité des dates qu’ils comportent. Ces dates peuvent être antérieures ou postérieures aux dates réelles ; cela ne change rien à leur contenu où l’on peut remarquer des personnalités de premier ordre dans le parti au pouvoir à côté d’Abdelhakim Belhadj. Le seul à l’avoir nié explicitement est Samir Dilou qui dans une intervention sur Mosaïque FM, a affirmé ne pas avoir eu de contacts avec Belhadj. Les autres ont simplement nié l’accusation et n’ont rien dit sur leurs relations avec Abdelhakim Belhaj.
Juridiquement, ces rencontres quoique répréhensibles puisqu’elles ont eu lieu avec un terroriste notoire, ne signifient pas forcement implication d’Ennahdha et ses responsables dans l’assassinat de Chokri Belaid mais représentent le fil qui peut conduire à la vérité. Les autorités judiciaires qui vont certainement creuser du côté de ces nouvelles révélations vont à coup sûr s’intéresser à l’objet de ces rencontres et à la nature des relations entre les parties en cause pour déduire les conséquences par rapport à l’assassinat de Chokri Belaid.