Mardi 4 septembre, lors d’une rencontre entre Mohamed Salmane, Ministre de l’Équipement, et une délégation turque conduite par le Ministre de l’Environnement et du Développement urbain, Erdoğan Bayraktar, notre Ministre a déclaré que la Tunisie entend profiter de l’expérience de la Turquie dans le domaine de la construction des logements sociaux. Il a ajouté que l’État ne pouvant supporter à lui seul le coût du projet, estimé à 1.400 millions de dinars, il compte sur le partenaire turc pour l’assister dans le financement de l’opération.
Les déclarations du Ministre ont remis sur le tapis la question de l’attribution du marché de construction des logements sociaux. Le sera-t-il sur la base d’un appel d’offres assorti de garanties en termes de transparence, d’impartialité et d’efficience ou en faveur d’une entreprise turque en vertu d’un cahier des charges sur mesure comme le laissent supposer plusieurs sources ?
Cette deuxième hypothèse, dénoncée par un certain nombre de professionnels sur le marché local, a été démentie par le ministre de l’Équipement lors d’une rencontre organisée il y a une semaine au siège du gouvernement. Selon le ministre « Le marché des logements sociaux n’a pas été attribué à une entreprise turque ».
Le démenti est intervenu deux jours après le sit-in d’un collectif d’architectes qui se sont rassemblés le 29 août devant le ministère de l’Équipement pour protester contre la mise à l’écart des compétences et des entreprises tunisiennes en procédant au lancement d’une consultation internationale. Les architectes qui ont participé à ce mouvement ont insisté sur la technicité et les qualifications des professionnels, de la main-d’œuvre et des opérateurs tunisiens qui ont fait leur preuve dans le domaine des logements sociaux. Ils estiment que le produit proposé par l’entreprise turque, consistant en la réalisation des constructions en préfabriqué, n’est pas adapté à l’architecture tunisienne, et pensent que l’écartement des Tunisiens de la compétition n’est pas dans l’intérêt de l’économie nationale.
Pour certains, le démenti émanant du Ministre de l’Équipement est une réplique à la rumeur précitée et pour d’autres, ce dernier a cédé à la pression des architectes. Mais en tout état de cause, les professionnels et les entreprises tunisiennes ont eu l’assurance, à travers ce démenti, que la procédure allait être respectée dans son esprit, que les soumissionnaires allaient être traités sur un pied d’égalité et que le dépouillement allait se dérouler en toute transparence.
Seulement, les récentes déclarations du Ministre de l’Équipement, dans lesquelles il fait valoir l’expérience turque, laissent planer le doute quant au respect de la procédure en vigueur malgré ses limites pour favoriser le partenaire turc.
De plus, une ligne de crédit de 500 millions de dollars a été octroyée par le gouvernement turcà la Tunisie. Cette aide financière qui a été annoncée en janvier 2012 et officialisée par le Ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale, Riadh Bettaieb, en juin, ne fait que nourrir les doutes. En effet, les 500 millions de dollars sont accordés en tant qu’appui au budget de l’État, à des conditions très avantageuses, à un taux d’intérêt d’environ 1,5%. Cette ligne de crédit émanerait de la Turkish Exim Bank, banque étatique spécialisée dans le financement des produits d’exportation d’origine turque.
Plusieurs sources avancent que l’octroi de ce prêt s’inscrit dans le cadre de la réalisation du projet des « logements sociaux » et qu’il est subordonné à l’attribution du marché à une entreprise turque.