Selon plusieurs médias algériens, les autorités d’Alger ont mis au jour une opération de fraude d’une ampleur inédite autour de la prime de voyage de 750 euros accordée par l’État algérien à ses citoyens pour les déplacements touristiques à l’étranger. Au cœur de ce stratagème, des voyages fictifs vers la Tunisie, organisés par des agences de tourisme impliquées dans des pratiques jugées « illégales et détournées ».
Le ministre algérien de l’Intérieur, des Collectivités locales et des Transports, Saïd Sayoud, a révélé devant l’Assemblée populaire nationale que plusieurs agences ont simulé des circuits touristiques afin de permettre aux bénéficiaires d’obtenir la prime sans quitter réellement le territoire algérien. Le procédé consistait à transporter des voyageurs vers la Tunisie de manière formelle, à faire apposer les cachets d’entrée sur leurs passeports, avant de les faire revenir en Algérie via des points de passage non surveillés.
Les chiffres avancés par le ministre sont révélateurs de l’ampleur du phénomène. Environ 5 000 bus auraient traversé la frontière algéro-tunisienne entre novembre et décembre, une période traditionnellement creuse pour le tourisme algérien vers la Tunisie. Ce flux inhabituel a également attiré l’attention des autorités tunisiennes, le sujet ayant été évoqué lors des récents travaux de la commission mixte algéro-tunisienne de coopération.
Les investigations ont permis d’identifier l’utilisation d’environ 100 000 personnes, majoritairement des chômeurs, comme bénéficiaires fictifs de la prime. Ces derniers figuraient comme voyageurs alors qu’ils n’effectuaient aucun séjour réel à l’étranger, permettant ainsi aux réseaux impliqués de capter indûment les allocations en devises.
Fraude organisée
Face à cette fraude organisée, les autorités algériennes ont décidé de durcir le dispositif de contrôle. Le ministre a annoncé un changement majeur dans les modalités d’octroi de la prime de voyage, avec un recours accru aux moyens de paiement électroniques afin d’assurer une meilleure traçabilité des transactions.
Dans ce cadre, la Banque centrale d’Algérie a émis de nouvelles directives conditionnant l’accès au droit de change à la détention d’un compte bancaire. Les paiements en espèces sont désormais interdits, au profit exclusif des chèques et des cartes bancaires CIB. De plus, la contrepartie en monnaie locale devra obligatoirement être versée via la banque du bénéficiaire, dans le but de limiter les manipulations et de renforcer les mécanismes de contrôle financier.
Cette affaire met en lumière les effets pervers que peuvent générer certaines aides publiques lorsqu’elles ne sont pas accompagnées de dispositifs de suivi suffisamment robustes, tout en soulignant l’interconnexion des dynamiques économiques et migratoires entre l’Algérie et la Tunisie.
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