La pénurie des matières premières poussera-t-elle le consommateur tunisien à rationaliser dorénavant ses achats ou est-ce qu’elle produira l’effet contraire. C’est-à-dire qu’elle l’encouragerait à constituer continuellement un stock de sécurité avec tout ce que cela peut entraîner comme achats compulsifs ?
Il serait saugrenu de répondre, tout de suite, à cette question partant du fait que les habitudes d’achat, ancrées en nous par la force du temps, sont difficiles à changer par quelque conjoncture qu’elle soit.
Il faudrait sûrement attendre que l’offre et la demande sur le marché se rétablissent et que les choses reviennent à la normalité afin d’en savoir plus sur cette question. Juger, par la suite, via des enquêtes de terrain, si le Tunisien a changé ou non, durant cette période de vaches maigres, de comportement ?
Et s’il a changé de comportement, cela va-t-il s’établir dans la durée ? Voir si des facteurs plus que d’autres pèseront, dans le futur, sur ses décisions d’achat ? Ou que des facteurs nouveaux entrent en scène et influenceront ses actes d’achat futurs.
Le prix, premier facteur de décision d’achat ?
Si avant la crise, le prix avait de l’importance dans la décision d’achat de la ménagère, aujourd’hui il l’est davantage avec l’effritement du pouvoir d’achat et le déclassement social que subit le Tunisien à des niveaux différents de sa vie.
Il n’y a qu’à voir le temps qu’il passe devant les rayons à décortiquer les prix pour comprendre cet état de fait. La qualité, le Tunisien lambda s’en fiche, aujourd’hui, éperdument ou du moins ne lui réserve plus cette attention qui déterminait auparavant ses actes d’achat.
Les motivations ne sont plus perçues comme avant chez une grande partie de la population. Le Tunisien n’achète plus pour le désir que l’offre suscite en lui, mais selon ce que suscitent en lui le fait de mettre la main dans la poche et l’argent qu’il casque pour acheter un bien.
Ceci doit, par ailleurs, interpeller, à bien des égards, nos entreprises quant à leurs futures stratégies de vente et la conception de notions telles que la satisfaction du consommateur et les déterminants de la satisfaction. Elles-mêmes en crise et en proie à des difficultés financières, nos entreprises, quel que soit leur activité, seront, à notre avis, moins regardantes sur des aspects qu’elles considéraient auparavant comme primordiaux.
L’objectif principal des unités de production tout comme les prestataires de service est de réduire au maximum le coût de revient du produit offert pour aligner son prix de vente aux salaires.
Pour la pérennité de leurs unités et celle des emplois, les chefs d’entreprise sont tenus, par ailleurs, de procéder à de nouvelles méthodes de travail, celles qui peuvent à la fois leur faire gagner du temps et des charges, notamment celles du personnel. Cela vaut aussi bien en Tunisie qu’ailleurs.
Le rôle de l’Etat !
Parlons-en. Ces derniers temps, beaucoup d’observateurs avertis sont allés dans la thèse que la pénurie des matières premières est orchestrée par l’Etat afin de déblayer le terrain à la suspension des subventions. Soit. Sauf que la levée des subventions est une mesure irréversible qu’il y ait pénurie ou abondance.
Reste que le gouvernement, en déficit de communication avec son peuple, ravive les aprioris et donne l’impression qu’il fait rouler les gens dans la farine. Et s’il continue dans cette voie de non-transparence, il risque de mettre tout le monde sur son dos, y compris ceux qui étaient, dans un passé récent, de son côté et appuyaient sa façon de gouverner.
Décidément, l’heure n’est plus aux discours éloquents et aux slogans pompeux. L’Etat, l’UGTT, l’UTICA, les partis, les organisations de toutes sortes et d’obédiences différentes, s’ils resteront, comme c’est le cas actuellement, dans le déni emmèneront tout le monde dans le précipice. « En temps de guerre les intelligents cherchent des solutions, seuls les imbéciles cherchent des coupables, dit l’adage.
Chahir CHAKROUN
Tunis-Hebdo du 17/10/2022