L’organisation des élections présidentielles en 2024 est devenue depuis le début de l’année l’une des obsessions de nombre d’observateurs de la vie politique tunisienne. En réalité, plusieurs d’entre eux craignaient que le processus soit reporté aux calendes grecques pour deux raisons.
Par Lotfi Larguet
Beaucoup pensaient qu’après l’approbation de la nouvelle constitution du 25 juillet 2022, les élections pouvaient être décalées de deux nouvelles années dans la mesure où le mandat présidentiel serait allongé de deux nouvelles années si l’on se fondait sur le nouveau texte. Si l’on se base sur une lecture du texte, il faut préciser sur ce point que le mandat présidentiel a été fixé, autant dans la constitution de 2014 que celle de 2022, à cinq ans. À partir de ce moment, le mandat du président Kais Saied ne peut être que de cinq années, et que par conséquent, ayant été élu en 2019, son mandat arrive à terme en 2024.
Ensuite, et à partir du moment où il a été élu au mois d’octobre, la constitution accorde au Chef de l’exécutif la possibilité de promulguer le décret de convocation des électeurs dans un délai de trois mois avant la fin du mandat comme cela est prévu dans l’article 90 de la Constitution de 2022 et comme cela a été indiqué par Najla Boughrini, membre du conseil exécutif de l’ISIE. Autrement dit, Kais Saied a encore jusqu’au mois de juillet pour annoncer la date des élections présidentielles. Autrement dit, les délais sont encore respectés et c’est ce qu’a toujours répété le chef de l’exécutif dans toutes ses dernières interventions relativement à ce sujet.
Quand est-ce que la possibilité d’un éventuel report de ces élections serait envisageable ou possible d’un point de vue constitutionnel ? À ce sujet, l’alinéa 5 de l’article 90 de la constitution prévoit le cas où les élections présidentielles ne peuvent pas se tenir, faute de conditions liées à leur tenue. Cela peut intervenir dans deux situations :
1) En cas de guerre
2) En raison d’un danger imminent
C’est seulement dans ces deux cas que le mandat présidentiel pourrait être prorogé par une loi, c’est-à-dire qu’il s’agira d’une prorogation exceptionnelle qui serait octroyée par l’ARP et qui se prolongera tant que les conditions qui l’ont provoquée n’auront pas disparu. Si le cas de la situation de guerre est clair, on sait que c’est le Chef de l’État qui détermine la situation de péril imminent et qu’il pourrait donc user de cette disposition pour trouver un prétexte à la prolongation de son mandat. Cependant, à ce niveau le véritable détenteur de ce pouvoir n’est autre que l’ARP puisque ce sont les élus du peuple qui doivent voter une loi pour prolonger ce mandat si jamais ils partageaient l’interprétation qu’en ferait le Chef de l’État.
Maintenant, il y a l’aspect politique. Ceux qui pensent à un report des élections nous semblent manquer de discernement. Car, aujourd’hui, Kais Saied, qui devrait se représenter pour un nouveau mandat, aura toujours besoin de conforter sa légitimité de conduire les affaires de l’État. Bénéficier de la confiance du peuple pour une période de cinq années supplémentaires ne ferait que renforcer sa démarche et ses convictions pour :
– Mettre en place des politiques publiques à même d’améliorer la gestion de l’État et la situation socio-économique
– Détendre l’atmosphère politique
– Mettre le pays sur de nouveaux rails
Il s’agit d’un examen auquel tout responsable politique est amené à subir après l’achèvement d’une période de temps. Connaissant les convictions de l’homme et son souci du respect des lois, les élections présidentielles auront lieu à la date prévue par le texte de la constitution. À moins d’un cataclysme…