Alors que le pays traverse une période difficile soumis qu’il est à l’épreuve de l’apprentissage démocratique, on ne compte plus les sujets de diversion qui fusent sur la scène publique détournant l’opinion populaire des vrais débats qui engagent l’avenir des Tunisiennes et des Tunisiens. Dans ce sens, la rumeur relative à l’interdiction de l’importation des bananes a été aujourd’hui démentie par Mohammed Ali Ferchichi, chargé de presse au ministère du Commerce. Invité aujourd’hui sur les ondes de la RadioShems FM, M. Ferchichi a indiqué que le budget de 2013 prévoit la réduction de l’importation de la quantité de bananes et non son interdiction.
Il est assez frappant de voir un tel sujet focaliser l’attention médiatique au moment où certains Tunisiens vivent dans une précarité dramatique, voire de misère totale. Comment peut-on avoir des soucis de bananes quand plusieurs patelins sont privés d’eau et d’électricité, quand certains ouvriers connaissent un retard sur le paiement de leurs salaires? N’est-ce pas dérisoire devant ces lois ou projets de loi qui se préparent à l’Assemblée Nationale Constituante?
La question de l’indemnisation des anciens prisonniers fait couler beaucoup d’encre. Face à la montée de la grogne populaire, Samir Dilou, porte-parole du gouvernement, a tenté de dédramatiser la situation. Sur les ondes de Radio Mosaique FM, il a précisé que les leaders d’Ennahdha renonceraient à l’indemnisation de leur emprisonnement et des souffrances endurées pendant plusieurs années dans les geôles sous Ben Ali.
D’autres questions sont plus cruciales et demandent plus d’intérêt. À l’Assemblée Nationale Constituante, le groupe Ennahdha a récemment déposé un projet de loi portant sur les peines relatives à l’atteinte au sacré. Ce projet établit une liste des points considérés comme sacrés et pour lesquels on encourt des peines de deux ans de prison ferme et 2000 dt d’amende : Dieu, le prophète Mohamed, tous les prophètes, tous les livres saints, les lieux de culte (mosquées, synagogues, églises), sans oublier la représentation de Dieu et du prophète Mohamed.
La question de l’égalité entre hommes et femmes n’est pas moins importante. Il semblerait qu’il y ait risque à ce que cet acquis, entériné par l’article 22 de la future constitution, soit revu à la baisse. En effet, l’article 27, objet de discussion et de vote de la commission “droits et libertés”, pourrait conserver le principe que « L’État assure la protection des droits de la femme et de ses acquis », mais en y ajoutant que ce droit s’inscrit dans le « principe de la complémentarité avec l’homme au sein de la famille, et en tant qu’associée à l’homme dans le développement de la patrie. » Après la polémique suscitée auparavant par le président Moncef Marzouki, catégorisant les femmes tunisiennes en “Sefirat”, “voilées” et “niqabées”, voilà que les élus veulent constitutionnaliser la hiérarchisation des droits des femmes. Il ne fait pas de doute que cette exclusion de la femme célibataire dans la future constitution provoquera beaucoup de remous dans la société civile, soucieuse de préserver les acquis de la femme tunisienne.
Au vu de ces questions sensibles et primordiales, la consommation des bananes paraît pour le moins ridicule.