C’est aussi contre l’ombre de Ben Laden, contre les réseaux dormants, la violence politique et la montée des milices que se bat Hamadi Jebali avec son initiative, ses consultations élargies et sa prise de distance par rapport aux thèses dominantes dans son propre parti, Ennahdha.
Jebali contre Ben Laden ? A l’heure de la montée des périls, il importe plus que jamais à la Tunisie de resserrer ses rangs face à la menace terroriste et l’émergence d’un Islam de guerre.
La démarche consensuelle du chef du gouvernement vise aussi à affaiblir les fondamentalistes islamistes et à construire un véritable rassemblement des Nahdhaouis démocrates et modérés qui ne sont pas attirés par le salafisme et portent une lecture moderne de l’Islam.
Cette alliance avec le camp démocrate pourrait non seulement affaiblir le salafisme, mais aussi remettre la révolution sur les rails de la justice sociale.
Devant la régression connue actuellement par la Tunisie, l’initiative Jebali porte un sens politique qui va bien au-delà de la formation d’un gouvernement de technocrates. Elle recompose en l’élargissant le camp démocrate, y inclut conservateurs modernistes et libéraux modernistes et isole les tendances passéistes et l’infantilisme de tous bords.
Car, avec une telle recomposition, le paysage politique pourrait se restructurer en remettant à sa place minoritaire le fondamentalisme de toutes les couleurs.
Cette recomposition intervient sur fond de combats au Mali et aussi avec un remarquable rapprochement franco-algérien dans ce conflit. Soutiens indéfectibles de la Tunisie, les États-Unis soutiennent pour leur part une sortie de crise qui puisse raviver la transition démocratique.
Seulement, Jebali pourra-t-il aller au bout de ses intentions ? Sera-t-il obligé de jeter l’éponge ? Ennahdha mettra-t-elle de l’eau dans son vin ?
Alors que l’opinion publique semble majoritairement soutenir le chef du gouvernement, qu’en sera-t-il de l’Assemblée ? Faut-il redouter un clash des ultras d’Ennahdha encore arcboutés à la légitimité quasi caduque du 23 octobre ?
Un espoir est né. Encore faut-il qu’il ne soit pas déçu par les jeux politiciens mêlant opportunisme et esprit de revanche. Encore faut-il qu’il puisse ne pas receler un habile subterfuge ?
Car tout observateur, débarrassé du syndrome de la duplicité du discours islamiste, ne pourrait que relever un frémissement démocrate dans le camp d’Ennahdha avec le vice-président et le secrétaire général de ce parti qui prennent leurs distances avec les radicaux. Eux-aussi iront-ils jusqu’au bout ?