Entretien avec MaĂ®tre Hosni BĂ©ji, l’un des trois avocats dĂ©signĂ©s par le barreau pour la dĂ©fense du prĂ©sident dĂ©chu.
D’abord, comment avez-vous Ă©tĂ© choisi par le barreau pour dĂ©fendre le prĂ©sident dĂ©chu et comment avez-vous acceptĂ© cette tâche, surtout quand on sait que vous n’aviez eu aucun rapport, par le passĂ©, avec le RCD, l’ancien parti au pouvoir ?
Je prĂ©cise, au dĂ©but, qu’au temps oĂą Ben Ali Ă©tait au pouvoir j’Ă©tais dans l’opposition. Ensuite par rapport au choix portĂ© sur ma personne, c’en est nullement un. J’ai Ă©tĂ©, en fait, dĂ©signĂ© par la section rĂ©gionale de Tunis et ce, après que le prĂ©sident de la section ait demandĂ© Ă des confrères et Ă des consĹ“urs de prendre la dĂ©fense de l’ex-prĂ©sident, lesquels ont refusĂ© pour une raison ou une autre. Quand on m’a fait la proposition et qu’ils ont soutenu qu’ils prĂ©fĂ©raient des avocats ayant de l’expĂ©rience, j’ai acceptĂ© de prendre ce dossier.
Est-il logique qu’un opposant au prĂ©sident soit dans le mĂŞme temps son dĂ©fenseur ?
Ecoutez, le droit Ă la dĂ©fense est universel. Vous ne pouvez pas, par consĂ©quent, faillir au serment que vous avez rĂ©citĂ© et qui vous rappelle, entre autres, les obligations que vous devez respecter qu’elles soient d’ordre moral, lĂ©gal ou d’Ă©thique. Sachez aussi que sur les 8000 avocats que renferme ce corps, il existe 1200 avocats rcĂ©distes parmi lesquels personne ne s’est prĂ©sentĂ© pour la dĂ©fense de l’ex-prĂ©sident.
Comment rĂ©agissez-vous par rapport aux critiques de l’opinion publique, laquelle avance que le jugement de Ben Ali est une mascarade ?
J’Ă©tais parmi les premiers Ă avoir soutenu cette thèse. Les chefs d’accusations sont scandaleux. Comme celui ayant trait Ă la consommation, Ă l’import et Ă l’export de produits stupĂ©fiants imputĂ©s Ă l’ex-prĂ©sident. Imaginez un Chef d’Etat qui prĂ©side le matin un Conseil des ministres, et qui s’adonne, l’après-midi, Ă la consommation de la drogue, Ă importer et Ă exporter des stupĂ©fiants. C’est aberrant.
Vous ĂŞtes plutĂ´t dans le caricatural !
C’est vrai mais c’est de la pure rĂ©alitĂ©. Je vous en donnerai d’autres Ă©lĂ©ments dans le dossier qui comportent des vices de forme : savez-vous que la commission de Abdelfattah Ben Amor n’Ă©tait pas dans son droit quand elle a perquisitionnĂ© le palais de Sidi Dhrif. Dans le droit tunisien, il faut qu’il y ait au moins deux voisins, habitant près du palais, qui soient prĂ©sents sur les lieux de la perquisition pour que cette opĂ©ration soit lĂ©gale. Parmi ces deux voisins, la prĂ©sence d’une femme est obligatoire sans quoi la procĂ©dure est nulle et non avenue. Devant tant de vices de forme, j’ai choisi la procĂ©dure de rupture, laquelle est chère Ă maĂ®tre Jacques Vergès.
Comment rĂ©agissez-vous par rapport aux propos d’Akram Azouri, l’avocat libanais de Ben Ali, qui ne reconnaĂ®t pas les procès intentĂ©s Ă son client, et par consĂ©quent ne vous reconnaĂ®t pas en tant qu’avocat de la dĂ©fense ?
Il faut savoir que Ben Ali s’est prĂ©sentĂ© le 5 juin au consulat gĂ©nĂ©ral Ă Djeddah pour donner une procuration Ă Akram Azouri afin de le dĂ©fendre. Moi, j’ai Ă©tĂ© dĂ©signĂ© d’office le 20 juin. Il faut savoir, Ă©galement, que dans un procès pĂ©nal d’ordre criminel, il faut la prĂ©sence d’un avocat, sans quoi les 5 juges de la cour ne peuvent pas rendre des jugements.
Vous avez exprimé, paraît-il, votre volonté de rencontrer Ben Ali afin de le persuader de se présenter en personne pour le jugement !
Ce sont des propos de certains journalistes en quĂŞte de sensationnel. J’ai eu par contre des entretiens avec ses proches et ils sont d’accord pour que je le rencontre. Sauf que je suis actuellement dans l’impossibilitĂ© de le faire. On est tous pour que le procès soit Ă©quitable.
A propos de ce procès, comment voyez-vous la suite des événements ?
Personnellement, je ne sais pas pourquoi il y a autant de prĂ©cipitation dans la procĂ©dure du jugement. Actuellement, il existe 118 chefs d’accusations contre le prĂ©sident dĂ©chu, ils seront au nombre de 200 dans quelque temps. Et Ă ce rythme de condamnations, Ben Ali en aura pour 3000 ans de prison. (NDLR : autant que toute l’histoire de la Tunisie).
Entretien conduit par Chahir CHAKROUN (Tunis-Hebdo)