L’opinion publique internationale, particulièrement arabe, est toujours sous le choc du verdict prononcé, il y a environ une semaine après deux jours seulement de procédure, condamnant en masse à mort 529 accusés et cela sans la moindre preuve.
Le plus grave, c’est que dans le même tribunal et à la même cour de Minya, au sud de la vallée du Nil, sept cents autres partisans du président Morsi, destitué le 3 juin dernier, ont comparu à leur tour mardi passé. Ils risquent, eux aussi, le même terrible sort pour avoir manifesté dans la rue leur opposition au renversement du seul président égyptien élu démocratiquement dans la tumultueuse histoire de ce grand pays.
Cette condamnation à mort en grand est la plus extravagante qu’a connue l’humanité. Pour la petite histoire, ce verdict a été prononcé par un juge connu pour ses excès perfides. N’a-t-il pas condamné un voleur de chaussures dans une mosquée à (excusez du peu) trente ans de prison !?
Que peut-on retenir du procès bâclé des 529 condamnés à mort dont un enfant de dix-sept ans et dont la majorité est en fuite ? C’est que l’Egypte est mal partie, particulièrement depuis le putsch du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi. Alors que le pays se débat dans une crise économique asphyxiante, ce militaire – ironie du sort, qui a été choisi à la tête de l’armée, par le président Morsi en personne – a fait main basse sur tout le système y compris la justice qui marche, aujourd’hui, au pas et au petit doigt.
C’est, là aussi, un signal fort qu’une guerre sans merci est, dorénavant, déclarée à tous les sympathisants des Frères Musulmans dont la formation est cataloguée, maintenant, organisation terroriste. Certes, Morsi a commis des bévues dans la gestion des affaires de l’Etat, mais de là à priver près de la moitié du peuple, qui a voté pour lui, de ses droits élémentaires dont celui de choisir librement ses dirigeants, c’est aller trop vite et trop loin en besogne.
Par ailleurs, le régime du maréchal Al-Sissi est en train de perdre la bataille de l’information, la compréhension de l’intelligentsia et de la société civile égyptienne. Et ce grand scandale juridique ne peut que créer, partout, des vagues d’émotion envers les Frères Musulmans. Ceux-ci semblent décidés à l’exploiter à fond. Et c’est là le véritable but que veulent atteindre les leaders des islamistes.
Il est évident que par ce jugement à mort si massif auquel même Néron ou Hitler n’ont pas eu recours et n’ont osé le perpétrer, le maréchal Al-Sissi – qui vient de surcroît de se porter candidat à la toute prochaine présidentielle égyptienne -, a voulu annoncer la couleur : mettre «irrémédiablement» à mort le mouvement des Frères Musulmans, une formation politico-religieuse à la peau dure et qui a donné du fil à retordre durant plus d’un demi-siècle à plus d’un raïs issu des forces armées soit Nasser, Sadate et Moubarak.
Il est évident que comme indéniables retombées, c’est tout le peuple égyptien qui en subira les méfaits. Avec Al-Sissi, l’Egypte va accéder à l’enfer à propos des questions des droits civiques particulièrement ceux concernant la liberté d’expression. Avec la succession de ce quatrième officier à la tête de l’Etat depuis le roi Farouk, l’Egypte risque de marcher à la baguette et les épris de justice, chez lui, connaîtront des jours sombres. C’est, aussi, un coup fatal porté contre le «Printemps arabe» qui est en passe de devenir un «Automne», voire un «Hiver arabe».
Dès lors, rien d’étonnant qu’un jour le maréchal et son juge de Minya seront traduits, à leur tour, devant la Cour internationale de La Haye. Du moins, c’est déjà fait moralement de la part de l’opinion mondiale encore sous le choc de ce verdict de la honte…
Après les despotes Anouar Al-Sadate, Hosni Moubarak, voici l’ère du terrifiant Abdel Fattah Al-Sissi. On peut tout faire avec les baïonnettes, sauf s’asseoir dessus !
M’HAMED BEN YOUSSEF