Le besoin d’élaborer un cadre pour assurer une transition démocratique passe nécessairement par une étape, celle d’exorciser le passé douloureux vécu dans notre pays pour le dépasser et instaurer de nouvelles règles qui puissent nous amener vers une société démocratique et des pratiques politiques fondées sur le respect de la personne humaine, des droits universels et l’absence de toute forme d’autoritarisme et de monolithisme.
Depuis la révolution du 14 janvier, cette tentative de dépassement de notre lourd passé à travers la création des deux commissions chargées des investigations contre la corruption et contre les crimes à l’encontre du peuple tunisien (présidées par le défunt Abdelfattah Amor et par Maitre Bouderbala) n’a pas abouti à des résultats tangibles ou satisfaisants, malgré leurs efforts somme toute méritoires, et ne nous a pas permis d’oublier et de faire le deuil du passé. Car, elles ne furent pas intégrées dans une approche globale, ni dans une vision claire.
Aujourd’hui, l’orientation va vers la création d’une Haute Instance de la Vérité et de la Justice Transitionnelle. Son but serait d’identifier les atteintes aux droits de l’homme, dans leur plus large acception, qui se sont produits dans le passé.
Maintenant, il s’agit de bien réfléchir à ce que nous souhaitons faire.
En premier lieu, cette Instance doit être structurellement autonome du pouvoir politique qui ne doit pas lui dicter son mode de fonctionnement ni sa conduite. Cela se traduit concrètement par son indépendance structurelle et fonctionnelle, et par la désignation de membres au dessus de tout soupçon.
En second lieu, elle doit être multidisciplinaire et se composer de plusieurs spécialistes appartenant à plusieurs branches: droit, histoire, sociologie, psychologie et autres.
Enfin, elle doit savoir que son action consiste à enquêter, c’est-à-dire à mettre à nu la vérité et non à la transgresser ou à chercher à salir des « gens » rien qu’en raison des vœux des politiques. Elle doit donc préparer le terrain au pardon, à la compensation des familles des victimes, les vraies, et à réinstaurer un nouveau climat de confiance, et non à instaurer les lois de la vengeance primaire.
Une tâche ingrate qui ne sera guère de tout repos, qui requiert recul, honnêteté et probité intellectuelle, et qui prend surtout en considération l’histoire du pays, et surtout son avenir…