Pour un coup dâessai, les premiĂšres Ă©lections libres et dĂ©mocratiques furent incontestablement une vĂ©ritable rĂ©ussite. Le peuple tunisien a prouvĂ© quâil Ă©tait Ă la hauteur de la RĂ©volution de la dignitĂ© du 14 janvier 2011. Le 23 octobre tous les regards Ă©taient braquĂ©s sur ce pays, petit par la gĂ©ographie, mais grand par la maturitĂ©. Au point que le quotidien français « Le Monde » consacre son Ă©ditorial (27/10/11), chose inĂ©dite, aux Ă©lections tunisiennes. Lâattitude des perdants Ă©tait louable de par leur civisme, celle des vainqueurs, respectable de par leur humilitĂ©. Le verdict dĂ©finitif est arrivĂ© un peu tardivement, mais quâĂ cela ne tienne. Jeudi, lâISIE rend le verdict officiel et signale les dĂ©passements et les effractions qui la conduisent Ă annuler les rĂ©sultats de six listes de la PĂ©tition Populaire, la formation de Hachemi Hamdi, Ă lâĂ©vidence la surprise rĂ©elle du scrutin historique. Surprise si lâon songe Ă sa prĂ©sence extrĂȘmement timide lors de la campagne Ă©lectorale, dâautant que son chef est restĂ© Ă Londres oĂč il dirige la chaĂźne Al Moustakilla. Insolite !
Les incidents de Sidi Bouzid qui ont succĂ©dĂ© Ă la publication des rĂ©sultats ont terni quelque peu lâambiance de concorde qui sĂ©vit dans le pays depuis dimanche. La nuit de jeudi Ă vendredi a vu des centaines de mĂ©contents manifester leur colĂšre en saccageant quelques institutions de lâĂtat et mettant le feu au siĂšge du parti dâEnnahdha. Ces actes de vandalisme dĂ©plorables et inadmissibles sont imputĂ©s aux partisans de Hachemi Hamdi, formĂ©s majoritairement dâanciens « rcdistes ». Il est en effet regrettable que le berceau de la RĂ©volution connaisse ces scĂšnes qui constituent sans aucun doute le point noir de cette semaine historique. Point noir renforcĂ© par la dĂ©cision de Hachemi Hamdi de retirer toutes listes gagnantes par ailleurs. Attitude qui nâest pas au diapason de lâesprit fair-play qui a prĂ©valu chez lâensemble des candidats et des formations politiques. On ne dira jamais assez combien ce comportement policĂ©, qui sait fĂ©liciter le vainqueur, est prĂ©cieux en ce quâil caractĂ©rise les rĂšgles du jeu dĂ©mocratique. Cette dimension est visiblement Ă©trangĂšre au leader de la PĂ©tition Populaire. Ses sautes dâhumeur ne manqueront pas dâĂ©tonner. Jugez-en. Vendredi soir, au milieu dâune Ă©mission politique sur Hannibal TV, il intervient par tĂ©lĂ©phone pour signifier sa volontĂ© de revenir sur sa dĂ©cision. Son intervention aux airs dâune volte-face, pour le moins curieuse, a suscitĂ© lâhilaritĂ© de Yadh Be Achour, Kamel Jendoubi, Om Zied et Samir Dilou.
Mais Ă y regarder de prĂšs, lâon sâaperçoit que son discours inquiĂšte par lâincohĂ©rence et le manque de dignitĂ©. Un discours populiste, ponctuĂ© par la rĂ©citation de sourates coraniques incitant Ă la mise en garde contre la discorde. Or sâil y a quelquâun qui a voulu semer la division, câest bien lui, comme lâatteste dâailleurs une sĂ©quence diffusĂ©e sur Facebook. Visiblement Hachemi Hamdi dont on sait le soutien au rĂ©gime de Ben Ali avant le 13 janvier 2011, nâarrive pas assumer ses actes. Ex-nahdhaoui, ex-recdiste, le voilĂ aujourdâhui rĂ©volutionnaire et dĂ©mocrateâŠComment peut-on le croire ? Comment dĂšs lors peut-on faire confiance Ă quelquâun qui manque terriblement dâenvergure ? Comment se fier Ă quelquâun qui, jeudi soir, pousse Sidi Bouzid au soulĂšvement et vient demander le pardon le lendemain ? Ses adresses Ă Samir Dilou, Kamel Jendoubi entre autres pour rĂ©tablir lâesprit dâunion et de concorde paraissent si dĂ©risoires. Le rire provoquĂ© chez les assistants de lâĂ©mission se passe de commentaire. Hachemi Hamdi affiche ainsi sans le savoir son cĂŽtĂ© guignolesque et se dĂ©crĂ©dibilise. DĂ©cidĂ©ment, le ridicule ne tue plus, car sâil pouvait tuer rĂ©ellement, Hachemi Hamdi ne serait pas prĂ©sent dans le paysage politique.
Mais la rĂšgle du jeu dĂ©mocratique veut que lâon respecte la souverainetĂ© du peuple. Câest ainsi. Sadok Belaid ne figurera pas dans lâAssemblĂ©e constituante, ni Abdelfattah Mourou, ni Radhia Nasraoui, ni Bochra Bel Haj Hmida, ni Maher Hnin, ni Slaheddine Jourchi et la liste est encore longue. Dâautres illustres inconnus y seront. Cela donne Ă rĂ©flĂ©chir. Gageons que la majoritĂ© des Ă©lus auront la conscience dâune tĂąche ĂŽ combien ardue, celle dâĂ©tablir une Constitution qui assurera lâavenir dâune Tunisie Ă la fois moderne et ancrĂ© dans ses racines arabo musulmanes.

