Après ses deux précédentes évaluations post-révolution, la première en mars 2011 où l’agence avait baissé la note souveraine de la Tunisie avec des perspectives négatives, et la seconde en février 2012, qui a confirmé la première impression, la délégation de Fitch est revenue en Tunisie fin octobre 2012 à un moment à cheval entre deux périodes.
Elle devait alors prendre connaissance auprès des autorités, de l’état d’avancement de l’exécution du budget de l’Etat pour l’exercice 2012 et de l’élaboration du budget de 2013, ainsi que de la contribution de l’État à l’assainissement et à la structuration du secteur bancaire.
Le choix d’une période pivot
Cette période a été choisie à dessein, pourrions nous avancer, car elle est pivot. C’est un point de bascule qui devait camper la position de Fitch dans un sens ou dans l’autre. En fonction des rapports sur la situation économique dans le pays, obtenus auprès des ministères clés, le notateur européen allait prendre sa décision concernant ces anciennes perspectives négatives, « que ce soit en les révisant à la hausse, en les maintenant, ou en les baissant d’un grade » avait il promis.
On rappellera que l’agence américaine Standard and Poors (S&P’s) connue pour sa rigueur avait déjà de son côté, dégradé la Tunisie jusqu’au rang de « speculative », une note à la quelle Moody »s l’autre célébrissime agence américaine de notation, devait quasiment se rallier un plus tard sans le dire ouvertement.
Ces notations avaient eu pour conséquence de rigidifier notre recours au marché de l’endettement, en augmentant d’une façon significative le coût (taux d’intérêt) des emprunts, ce qui devait grever nos sorties sur le marché des bailleurs de fonds à l’échelle internationale, n’ayant à leur yeux pas les moyens de faire effet de levier avec les fonds obtenus et ainsi rembourser principal comme intérêts. Même si la Tunisie a déjà pu régler rubis sur ongle tout ce qu’elle empruntait, depuis la révolution, les paramètres macroéconomiques et bien d’autres, ont changé.
Une ultime tentative avant
En voulant se tourner vers d’autres sources de financement, le nouveau gouverneur de la BCT avait dû renégocier avec Moody’s pour décrocher à nouveau un « investment grade », ce qui n’était pas facile, avant d’aller chercher une deuxième agence de notation, cette fois japonaise, avant de partir tenter sa chance au Japon pour décrocher un « Samourai » salvateur d’une situation budgétaire dont il est vrai qu’elle est en souffrance de déficit et de réserves de devises dont le niveau descendu à seulement 3 mois, en avait et le continue à ce jour, d’avoir crucialement besoin, après le constat des déséquilibres chroniques de plus en plus à la hausse, qui avaient grevé depuis dangereusement la balance des paiements…
Alors que les « choses » avançaient dans la bonne direction du côté du Japon, voilà que Fitch l’européenne décide de confirmer ses deux premières impressions, décochant-confirmant, sa troisième note de dégradation consécutive, qui cette fois passe à celle de rang: « négatif à long terme ».
Or une vision de la sorte à long terme signifie que l’avenir est teint de gris-noir à une échéance de plus de 5 ans (10 ans). Cela voudra dire aussi que notre pays aura de grandes difficultés à émettre des obligations sur le marché des bailleurs de fonds à long terme où le risque est généralement le plus fort de ne plus pouvoir les récupérer.
Sur quoi Fitch s’est elle basée ?
Pour cela, il faut d’abord se rappeler et prendre conscience, qu’à fin octobre dernier, les autorités concernées avaient entre autres, promis une maitrise des compensations, une ferme volonté de réduire le taux du déficit budgétaire à moins de 5,9%, de renforcer les ressources fiscales et de préserver les investissements de développement de 2012.
A ces propositions dont il faudra en vérifier la bonne application, on pourrait ajouter aussi le floue qui a entouré l’attribution du statut de partenariat privilégié avec l’Union Européenne. Or, selon certains confrères, il s’avère que tout ceci est faux ! Ce qui s’est réellement passé, c’est qu’on a entamé des négociations pour aboutir à un statut de partenariat privilégié et non qu’on a déjà obtenu ce statut! « La Tunisie n’a pas signé de « statut avancé » mais elle s’est vu promettre un tel statut en fait rebaptisé « partenariat privilégié ». Le 19 novembre il n’y a eu qu’une « déclaration d’intention » politique qui ouvre la voie (dès le 1er trimestre 2013) aux discussions formelles. Mais cette déclaration n’est même pas écrite…
Par ailleurs, En ce qui concerne le secteur bancaire, l’actuel ministre des Finances par intérim, avait alors, évoqué une avancée dans la réception des offres relatives à la réalisation d’un audit global pour la Société Tunisienne de Banque (STB), la Banque Nationale Agricole (BNA) et la Banque d’Habitat (BH). L’objectif de ces audits est de permettre à l’Etat de mettre en place une stratégie claire de gestion des banques alors que dans le cadre du budget de l’exercice 2013, 200 MDT seront réservés au soutien des fonds propres de ces banques publiques »…
C’est sans doute ces faits ainsi que d’autres indicateurs macroéconomiques, mais aussi politiques et sociaux, tels les grèves tournantes et les affrontements dont les brasiers se sont accélérés ces derniers temps, ne cessant de se déclarer un peu partout…
C’est aspect du dossier, a-t-il été mis en même temps dans un faisceau global d’indices, exacerbé par ce qui était attendu le jeudi comme grève générale prévue par l’UGTT, annulée in extrémis, aurait rendu dés la veille, propice pour Fitch de publier ses impressions. Impressions à la fois hâtives mais par trop réductives contre la Tunisie, un pays qui entretient avec la rive nord de la méditerranée, quelques de 80% d’échanges tous azimuts.