L’annonce par Hamadi Jebali de la prochaine nomination d’un gouvernement de technocrates sonne-t-elle le glas de la Troika ? Si cela se confirmait, le CPR et Ettakatol en seront les premières victimes et pourraient tout simplement revenir à leur juste mesure : celle de partis sans adhérents mais avec des états-majors démesurés. A l’image des fameuses armées mexicaines…
Ces partis, en rejoignant les islamistes et surtout en trahissant leurs électeurs, ont hypothéqué leurs chances de survie et ont sérieusement insulté l’avenir.
Les déclarations pathétiques du docteur Marzouki sont à comprendre dans le contexte de ce constat d’échec. Tout comme la transparence totale du docteur Ben Jaafar. Les dernières cartouches en quelque sorte : bruyantes à son image pour le premier, ternes et falotes pour le second.
En face, les déclarations de Maya Jribi appelant à la démission de Jebali et celles de BCE préconisant des dissolutions immédiates des corps constitués scellent davantage le sort d’une Troika tricéphale qui aura pour bilan quinze mois perdus, un pays égaré et une économie en loques.
C’est d’ailleurs aussi à cette aune qu’il faut analyser les réactions rapides de la France et des Etats-Unis devant le crime qui a coûté la vie à Chokri Belaid, désormais nouveau martyr de la révolution tunisienne. Le timing et la vivacité de ces deux réactions peut en effet porter en filigrane un désaveu de la Troika au pouvoir dans son ensemble. Prémonitoire, l’ambassadeur américain déclarait il y a quelques jours à Sfax qu’il était dérisoire de prétendre conduire une transition vers la démocratie lorsque les fondamentaux sécuritaires et économiques étaient délaissés.
Quelle va être maintenant la réaction d’Ennahdha en cas de nomination d’un gouvernement de compétences ? Ayant passé l’essentiel de l’année écoulée à noyauter l’Etat en installant ses réseaux dans l’administration, le parti islamiste sera-t-il tenté de pratiquer une sorte de politique de la terre brûlée qui jouerait à couper l’herbe sous les pieds du prochain gouvernement ? A contrario, Ennahdha se résoudra-t-elle à mettre au rencart l’idéologie islamiste qui l’agite et se comporter comme le parti conservateur qu’elle a prétendu être ?
La voie semble étroite même si les islamistes pourraient aussi être tentés de déplacer les enjeux dans les rues, forts des ligues et des quartiers entiers qu’ils régentent.
Il est préférable pour tous que le constat d’échec de la Troika s’accompagne du retrait inévitable de l’actuelle majorité. Il est préférable pour tous que les constituants se mobilisent pour ce pourquoi ils ont été élus. Il est préférable pour tous que le pays remette en ordre son économie et sa sécurité tout en organisant les prochaines échéances électorales. Et si d’aventure, Monsieur Ghannouchi songe à un bras de fer, qu’on l’en dissuade. Et si d’aventure le docteur Marzouki tenterait de revenir par la fenêtre, qu’on l’en dissuade. Quant au docteur Ben Jaafar, nous parions qu’il aura la sagesse de s’effacer alors que Monsieur Jebali aura jusqu’au bout été l’otage des siens.
Cinglant désaveu que celui qui déstabilise une Troika qui a eu tort de tourner le dos à l’initiative de l’UGTT et à toutes les voix et les voies de la raison.
Certaines erreurs ne pardonnent pas ! Souhaitons que d’autres plus graves ne soient commises pour sauver par l’escalade un pouvoir impopulaire, sourd aux attentes légitimes du peuple tunisien et surtout soucieux d’idéologie et d’alliances avec des dynasties de ploutocrates qui, jamais, ne sauraient montrer à la Tunisie les chemins de la démocratie.