La question remonte à plusieurs mois lorsque les médias ont évoqué une éventuelle tentative de rapprochement entre les deux antagonistes, le mouvement Ennahdha et Nidaa Tounes, imputée à Mohamed Bennour, avant de l’avoir démentie, puis à certaines personnalités politiques indépendantes.
L’hypothèse a été vite écartée après les déclarations et les démentis en vertu desquels des représentants du mouvement Ennahdha et du CPR ont fait savoir qu’ils n’ont pas changé leur position vis-à-vis de Nidaa Tounes, considéré comme étant une réédition du RCD. Pour le confirmer, ils ont activé le projet d’exclusion des ex-Rcédistes de la scène politique et de toute responsabilité de premier ordre dans des partis politiques.
Ce projet a été critiqué non seulement par Nidaa Tounes qui se sent comme le principal visé et les partis promus par des figures de l’ancien régime, mais aussi par des partis de l’opposition qui y ont vu une sanction collective contraire aux conventions internationales édictées dans le domaine des droits de l’homme.
Depuis, la situation s’est développée pour aboutir finalement à l’annonce faite hier par Cheikh Rached Ghannouchi, favorable à la participation de Nidaa Tounes au dialogue national sur la situation dans le pays. Cette évolution s’est caractérisée par le durcissement de la position de Nidaa Tounes, l’assouplissement du discours de certains leaders nahdhaouis et l’attitude intransigeante des partis d’opposition appelés à se joindre au nouveau gouvernement.
Durcissement de la position
de Nidaa Tounes
Le revirement a commencé à se dessiner à partir d’une célèbre interview livrée le 28 décembre 2012 par Caid Essesbsi au journal le Maghreb, après l’attaque du meeting organisé par le Parti à Jerba. Dans cette interview, le fondateur de Nidaa Tounes a indiqué que le projet de loi sur l’exclusion des Rcédistes ne serait pas voté et que la Troïka quitterait le pouvoir avant qu’il ne voit le jour.
Pour certains observateurs, l’assurance avec laquelle il s’est exprimé suppose une pression venant de l’extérieur pour obliger les autorités à accepter Nidaa Tounes en tant que partie prenante sur l’échiquier national.
Entre temps, Maître Abdessattar Messaoudi, avocat de Nidaa Tounes, a déclaré aux médias que le parti dispose d’un dossier complet prouvant l’implication d’Ennahdha, des autorités au pouvoir et des comités de protection de la révolution dans les agressions perpétrées contre les militants du Parti qui a l’intention de porter plainte devant la Cour pénale internationale.
Par ailleurs, les deux réunions qui ont eu lieu après l’attaque de Jerba, à Ksar Helal et à Grombalia se sont déroulées sans incidents. Ces deux fois, les comités de protection de la révolution qui menaçaient les réunions et les manifestations du parti n’étaient même pas dans les parages ce qui a fait dire à certains qu’ils avaient reçu l’ordre de ne pas intervenir.
Assouplissement du discours
de leaders nahdhaouis
En même temps que s’est durcie la position de Nidaa Tounes, certains leaders du mouvement Ennahdha ont assoupli leurs discours sur la question de l’exclusion. Interrogé sur cette question dans une interview qu’il a donnée dernièrement à la TNN, Lotfi Zitoun a exprimé son refus du projet en faisant valoir les principes de la révolution et des droits de l’homme. Il a ajouté que le mouvement Ennahdha est en mesure de s’engager dans la compétition avec tous ses adversaires politiques. Implicitement, il a l’air de reconnaître que le projet d’exclusion vise la mise à l’écart de Nidaa Tounes qui gagne de plus en plus de terrain et rassemble de plus en plus de citoyens.
Pour sa part, Manar Skandrani, chargé de mission auprès du ministre des Affaires étrangères et membre très proche de Cheikh Rached Ghannouchi, a fait connaître la même position lors d’une récente émission sur Attounisia TV. Il considère que le projet d’exclusion est un palliatif à l’inexistence d’une justice transitionnelle. En d’autres termes, le projet d’exclusion perd sa raison d’être avec la promulgation d’une loi portant sur la justice transitionnelle.
Et comme par hasard, un projet de loi de justice transitionnelle vient d’être approuvé par le conseil des ministres le 28 décembre 2012. Son approbation par le gouvernement et sa soumission à la chambre nationale constituante serviront, sauf désaccord de dernière minute, à justifier l’abandon du projet d’exclusion annoncé par les députés d’Ennahdha dans une conférence de presse tenue le 23 novembre 2012.
Attitude des partis appelés
à se joindre au nouveau gouvernement
Pratiquement l’ensemble de ces partis ont posé comme condition fondamentale pour participer au nouveau gouvernement, l’absence de l’exclusion et l’implication de tous les protagonistes, y compris Nidaa Tounes.
Pour le Tunisien ordinaire qui s’inquiète sérieusement de son avenir et du sort de la démocratie, après l’espoir suscité par la révolution du 14 Janvier, cet apaisement est de nature à faciliter la transition et à la réalisation des aspirations populaires. Avec moins de violence politique et un large consensus, la Tunisie sera à l’abri des dangers qui le guettent.
Encore faut-il que le rapprochement soit le signe d’une volonté sincère de se mettre au service du pays et ne se traduise pas par des concessions au détriment des citoyens.