La nomination de Mohamed Ennaceur comme vice-président de Nidaa Tounes est, pour le moins, malvenue, pour l’opposition, particulièrement celle réunie au sein du Front du salut national. De quelle crédibilité peut-elle se targuer dès lors que son candidat pour occuper le poste de chef de gouvernement a rapidement fait de rejoindre un de ses principaux parti ?
Premier à réagir, Mehdi Ben Gharbia, député de l’Alliance démocratique, a fustigé «l’absence de morale». «Au sein de l’Alliance Démocratique, nous croyons qu’il ne peut y avoir de politiques sans morale», a-t-il déclaré suite à cette nomination. Ben Gharbia a rappelé, aussi, que lors des pourparlers pour le choix d’un chef de Gouvernement, Mohamed Ennaceur lui avait confirmé qu’il n’avait pas de souhait de rejoindre un parti dans l’avenir. «L’Alliance s’est trompée tout en étant soulagée qu’il ne soit pas à la tête du gouvernement», a-t-il ajouté.
Pour rappel, Mohamed Ennaceur a été élu au poste de chef du Gouvernement par deux fois, lors des sessions du 1er novembre et du 14 décembre 2013, du Dialogue national. Il avait, alors, recueilli, respectivement, 14 et 11 voix des partis participant au Dialogue. A chaque fois, il lui fut opposé un veto de la part d’Ennahdha.
«Au sujet du veto d’Ennahdha à mon encontre, je n’en connais pas les raisons, même si je dispose de quelques éléments de réponse, avait commenté Mohamed Ennaceur, dans une interview accordée, le 28 décembre 2013, au quotidien arabophone Al-Maghreb. Je me souviens que Zied Laâdhari (porte-parole d’Ennahdha, ndlr) avait déclaré, sur une chaîne de TV, que j’étais proche de Nidaa Tounes ce qui justifie, d’après lui le refus naturel de ma candidature. Mais j’ai affirmé, à plusieurs reprises, que je ne suis pas adhérent dans ce parti.»
N’ayant aucune aspiration partisane en novembre et décembre 2013, Mohamed Ennaceur justifie, désormais, cette adhésion à Nidaa Tounes par le rôle positif qu’a joué ce parti lors du Dialogue national, et les idées qu’il a défendues ayant mené la Tunisie vers l’adoption d’une Constitution progressiste garantissant les droits de l’Homme. «Je me tenais à équidistance de tous les partis avant d’intégrer Nidaa Tounes» a-t-il affirmé, dans une déclaration accordée à l’agence TAP, dimanche dernier.
«Hier j’étais indépendant, car je devais l’être, a-t-il défendu, hier, à l’issue de l’officialisation de son adhésion à Nidaa Tounes. Aujourd’hui, je ne peux rester les bras croisés et il a fallu que je choisisse un parti. J’ai vu que Nidaa Tounes est fondé sur des principes qui vont de pair avec les aspirations des Tunisiens et que ses membres sont généralement pour le consensus, la solidarité et l’unité.»
Du côté de Nidaa Tounes, Taïeb Baccouche, secrétaire général du parti, a précisé, hier, que cette adhésion était prévue depuis un certain moment, «mais pour certaines raisons, elle n’a pu avoir lieu».
Mohamed Ennaceur ne pouvait donc délaisser son statut d’indépendant en un si court laps de temps. Cette idée de rejoindre Nidaa Tounes devait, sûrement, trotter quelque part dans sa tête depuis un long moment. Elle ne pouvait être le fruit d’une réflexion spontanée. Son nouveau parti avait, pour sa part, toujours tenté de maintenir dans le flou, voir de démentir, les rumeurs affirmant une prochaine adhésion d’Ennaceur.
«Mohamed Ennaceur ne veut intégrer aucun parti, ni le mien ni un autre, avait soutenu, mardi 4 février 2014, Béji Caïd Essebsi, président de Nidaa Tounes, lors de l’émission «Chokran âala elhoudhour». Il me rend visite en tant qu’un ami.»
Outre le manque de crédibilité dont pourra souffrir l’opposition, l’adhésion de Mohamed Ennaceur remet sur la table le problème d’absence de démocratie au sein de Nidaa Tounes. «Nous avons demandé des dirigeants élus et des structures légitimes, et ils ont investi des personnes non élues nommées par des structures non élues», a ironisé, sur sa page facebook, Taher Ben Hassine, ancien membre du bureau exécutif de Nida Tounès.
K. A.