La Tunisie est loin de répondre aux normes internationales en matière d’espaces verts. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), chaque citadin devrait disposer d’au moins 10 m² d’espaces verts. Or, le Tunisien n’en bénéficie que d’à peine 3 m², révèle une étude approfondie de l’urbaniste et architecte Imen Zafrani Hioua, publiée dans son ouvrage Désir de nature dans le grand Tunis : pour une végétalisation de la ville dense.
Ce déficit s’explique par un double phénomène : le zoning urbain intensif et le manque d’espaces disponibles au cœur des villes. Cette rareté est aggravée par les “îlots de chaleur urbains”, conséquence de l’omniprésence du béton et de l’absence de couvert végétal, qui peut faire grimper la température en ville de 3 à 5°C par rapport aux zones rurales. L’OMS alerte d’ailleurs que les habitants des centres urbains sont parmi les plus exposés aux effets du changement climatique.
Des solutions innovantes pour une ville plus verte
Pour Imen Zafrani, le manque de terrain ne doit pas servir d’excuse à l’inaction. Elle prône des approches créatives : exploitation de chaque espace libre pour planter des arbres, création de “corridors verts” reliant les parcs et jardins — une idée qu’elle appelle le “fil vert” de la ville.
Elle recommande également :
- la mise en place de partenariats public-privé pour financer l’entretien des espaces verts,
- l’instauration de contrats de parrainage permettant aux entreprises de prendre en charge certaines zones,
- la participation active des habitants et des associations de quartier.
Le pari du “poumon vert” tunisien
Face à la dégradation du couvert végétal et à la progression du désert, le ministère de l’Environnement a récemment lancé un projet d’envergure : le “poumon vert” tunisien.
Ce “périmètre forestier” s’étendra du sud de la wilaya de Sfax jusqu’aux frontières algériennes, en traversant les gouvernorats de Gabès, Sidi Bouzid, Kasserine et Gafsa.
Objectifs affichés :
- freiner l’avancée du sable et limiter l’arrivée de poussières dans les zones urbaines,
- planter des essences adaptées à la sécheresse,
- promouvoir une économie locale articulée autour de l’agriculture durable, de la valorisation des eaux traitées et des énergies renouvelables.
Selon le ministre de l’Environnement, ce chantier pourrait permettre à la Tunisie de restaurer 260 000 hectares de terres fertiles et de les réintégrer dans le circuit productif, créant ainsi un levier économique et écologique pour les régions concernées.
Si la vision est ambitieuse, sa concrétisation nécessitera une planification rigoureuse, un financement stable et surtout une volonté politique sur le long terme. Les experts rappellent que la réussite d’un tel projet repose autant sur la participation citoyenne que sur la coordination entre collectivités locales, État et secteur privé.
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