Les dettes publiques des Etats sont néfastes et deviennent insoutenables quand elles sont mal employées et affectées à des fins non productives. Un Etat qui fait bonne gouvernance de ses emprunts et qui paie à temps ses créanciers perçoit sa dette en richesse plutôt qu’en fardeau.
La valeur d’une dette et son poids dans l’économie d’un pays ne se mesurent pas par son volume ou encore par ce qu’elle représente par rapport au PIB. Une dette publique tire sa valeur et son efficience de la façon avec laquelle elle est administrée par les pouvoirs publics.
Du point de vue des affectations dont elle fait l’objet, des objectifs qui lui sont assignés, sans oublier la transparence qui doit accompagner son cheminement.
A notre avis, c’est en ces termes qu’on devrait considérer la dette publique de notre pays, les autres critères nous paraissent sinon aléatoires, du moins non décisives.
Puissance et endettement des Etats !
Si nous insistons dans notre préambule sur ces aspects, c’est que le commun des mortels a une mauvaise appréhension de la dette publique. Sans doute, pense-t-il que plus un pays s’endette plus il est fragilisé et soumis à des pressions, quelle qu’en soit la nature.
Pressions de nature économique, en ce sens que la dette publique génère de l’inflation, ce qui est d’ailleurs vrai. Pressions politiques (ingérence des créanciers dans la politique interne du pays débiteur ou des institutions financières dans les choix économiques des Etats, comme c’est le cas du FMI).
Le commun des mortels ne sait pas, cependant, que, paradoxalement, les pays les plus puissants du monde sont ceux qui ont un volume de dette publique faramineux.
Cette dette équivaut à deux, parfois même à trois fois leur PIB. A vous d’en juger : le Japon, pourtant synonyme de prospérité et d’avancées technologiques, est le deuxième pays le plus endetté au monde (derrière le Venezuela), avec une dette publique qui a atteint 266% du produit intérieur brut en 2021.
Quid de la dette de la Chine ? Eh bien, sachez qu’elle a atteint, en 2021, 264% du PIB du pays. Encore que ce ratio a été ralenti par le rebond de la croissance économique et le ralentissement de la distribution de crédit.
Malgré que ce ratio d’endettement donne des frissons, le pays de l’Empire du Milieu n’en reste pas l’un des pays les plus puissants du monde, en concurrence avec le Japon pour la deuxième place du podium.
Moins soutenue que la Chine, la dette publique de la France reste pour autant importante. À la fin du deuxième trimestre 2022, elle s’établit à 2916,8 milliards d’euros. Exprimée en point de PIB, elle est à 113,3%.
Ceci étant, la dette publique n’est pas toujours synonyme de pauvreté, dans les pays puissants à la culture boursière et monétaire accomplie elle est un vecteur de croissance.
Et nous alors ?
Est-ce un euphémisme de dire que la dette publique de la Tunisie a atteint un point de non-retour ? Toute relative qu’elle soit, cette dette est, certes, critique mais pas effrayante. S’établissant fin août à 109,620 milliards de dinars, soit 78,5% du PIB, cette dette peut se transformer en richesse et en vecteur de développement.
Cela, bien entendu, si elle est affectée à bon escient, si les objectifs qui lui sont assignés sont atteints et si les pouvoirs publics font preuve de transparence dans sa gestion. Si seulement si cela se concrétise, la Tunisie se débarrassera à jamais de cet écueil que nous avons élevé, nous-mêmes, par mauvaise gouvernance, au rang de fardeau infranchissable.
Puisse la place du crédit dans notre pratique quotidienne changer de vocation. Qu’il s’agisse de l’Etat, de l’entreprise ou du ménage, quand le crédit est bien employé il devient source de richesse. Ne dit-on pas que plus on s’endette plus on s’enrichit !