Honorer ses dettes extérieures est un aspect de la finance publique que l’Etat tunisien a réussi en 2023, en dépit d’une conjoncture nationale et internationale difficile. Mais ce satisfécit ne doit pas nous divertir quant aux causes de l’endettement, celui de l’inadéquation entre les ressources propres de l’Etat et ses dépenses…
Rembourser ses dettes, c’est important. Trouver une alternative à la dette, c’est encore mieux. C’est dans cette logique que doit être appréhendée la question de l’endettement en Tunisie.
A notre avis, la soutenabilité de la dette n’a de véritable sens que lorsqu’elle s’inscrit dans la durée. Or cet aspect, l’Etat tunisien – tout défaitisme exclu – est incapable d’assurer indéfiniment.
Pourquoi disons-nous cela ?
A la lecture de l’organigramme des besoins de financement du Budget de l’Etat 2024, nous osons dire, malheureusement, que la politique menée par la Tunisie en matière d’endettement s’accommode plus de fuite en avant que de gestion appropriée, puisque les même causes produisent, désormais, les mêmes effets.
Que la ministre des Finances, Mme Sihem Nemsia, se réjouisse que 93% du service de la dette de 2023 ont été remboursés – ce qui est au fond une performance – cela ne doit pas, cependant, s’ériger en politique.
Concentrer annuellement tous les efforts de l’Etat – et les outils de production – sur le seul aspect du remboursement de la dette et occulter les fondamentaux économiques – l’offre et la demande du marché, les prix, la valeur du dinar, la balance commerciale et biens d’autres aspects – est une vision restrictive de la chose économique. Et si elle suscite pour certains une autosatisfaction, cela ne saurait être qu’éphémère.
Pour votre gouverne, les besoins de financement de la Tunisie prévus dans le cadre du Budget de l’Etat pour 2024 s’élèvent à 28.188 millions de dinars (MD). Ces besoins seront couverts à raison de 11.743 MD par le recours au marché intérieur (42%) et de 16.445 MD par le recours à l’endettement extérieur.
Nous constatons à ce propos que les financements à mobiliser à travers l’endettement extérieur se répartissent entre les crédits directs destinés aux financements de projets et 14.470 MD d’appui budgétaire.
Avouez que consacrer seulement 2 milliards de dinars pour les projets dans un pays où l’infrastructure est délabrée et où on recense plus de destruction d’emplois que de création, est insignifiant et ne saura donner des signes stimulants pour les investisseurs privés.
Que faire alors ?
Moi, je suis de ceux qui « militent » pour les économies en termes de dépenses. Le Tunisien pourra très bien se passer de bananes, de noix de coco, de voitures de luxe, de montres de grande marque et d’autres produits importés directement de l’étranger ou à travers des enseignes étrangères aux mains de certains privilégiés dont ils partagent les dividendes avec les gros bonnets.
Tout cela au détriment d’un produit local qui a fini par s’effriter dangereusement. L’accord de libre-échange avec la Turquie n’est qu’un cas entre plusieurs de ces deals contractés avec certains pays ou groupements qui ont détruit un pan entier de notre industrie. Encore heureux que cet accord ait été revu.
Le cas des importations superflues, si certains le considèrent sans grande conséquence c’est qu’ils méconnaissent ce que veut dire l’inflation importée. Avec moins d’importations de ce genre, les prix vont revenir à des niveaux plus cléments, ce qui stimulera la consommation autant publique – celle de l’Etat – que des ménages.
Quand on sait que la consommation et l’investissement sont les moteurs de la croissance, cela veut tout dire.
Chahir CHAKROUN