Un coup fatal a-t-il été porté au tourisme saharien suite à la décision prise par le président de la République Moncef Marzouki de décréter un couvre-feu dans la région de Douz-Sud (du 8 au 22 mai 2014) ? Les réactions des professionnels, hôteliers en tête sont en tout cas, unanimes pour dire que ce couvre-feu va faire sombrer un secteur déjà sinistré dans la région et que cette décision est d’autant plus exagérée vu que la situation sur le «terrain» n’est pas celle qu’on décrit !
«Ce couvre-feu ne va pas arranger les choses, bien au contraire», estiment les différents hôteliers contactés par Webdo suite à la mise en place du couvre-feu pour les deux semaines à venir en conséquence des affrontements qui ont lieu depuis une semaine entre les habitants de Douz-Ouest et ceux de la région de Ghlissia, à 50 km de Douz, et se sont soldés par plus de 150 blessés dans les deux camps, mais aussi dans les rangs des forces de l’ordre.
Mort technique !
Pour un haut responsable d’El Mouradi Douz, ayant préféré garder l’anonymat, l’hôtel pourrait bien être obligé de fermer ses portes au moins durant cette période de couvre-feu. «Ce couvre-feu ne sert pas les intérêts du tourisme saharien. Bien au contraire ! La situation était déjà sinistrée et assez critique. Aujourd’hui, nous sommes à l’état de mort technique», affirme, désabusé, ce responsable.
«Nous étions déjà une zone rouge pour les touristes allemands et anglais, nous allons désormais le devenir pour tout le monde et également pour les Tunisiens. Le pire, c’est que nous employons des personnes issues des zones concernées par le couvre-feu et tout cela a un impact sur le fonctionnement de l’hôtel sans compter les quelques annulations qui commencent à tomber», ajoute-t-il.
Le gouverneur mis à l’index
Selon lui, la zone touristique bloquée et les barrages sur les routes dénotent une certaine impuissance de la part de l’Etat à faire respecter l’ordre. «L’Etat est faible, où sont les forces sécuritaires. A chaque fois que nous avons un problème, on nous répond ‘‘défendez-vous comme vous le pouvez’’ !
Même son de cloche chez un autre hôtelier. Le directeur du Méhari Douz, Hosni Ali est révolté contre les autorités dans leur gestion de cette crise. «Le président de la République, le ministère de l’Intérieur, le Gouverneur (Habib Chawat), tous ont cherché la solution la plus facile et n’ont pas été fermes dès le début de la crise. Aujourd’hui, nous sommes face à un cumul de problèmes qui a explosé du fait que les autorités ont laissé trainer les choses».
«Il ne faut pas exagérer !»
Selon lui, ce couvre-feu va encore faire dégringoler un secteur déjà sinistré tout en espérant que les dégâts seront limités et que le couvre-feu sera levé d’ici lundi prochain. S’il est encore trop tôt pour se prononcer sur un éventuel impact concernant les annulations, selon M. Hosni Ali, certains clients se sont empressés de se désister. «Après l’annonce du couvre-feu, nous avons reçu une annulation à minuit (hier)», indique-t-il sur un ton anecdotique.
Les hôteliers cherchent avant tout à amortir l’impact de ce couvre-feu, comme l’indique un des responsables des réservations au Sahara Douz. «La situation n’est pas aussi catastrophique comme pourrait le laisser penser le couvre-feu. Il ne faut pas exagérer parce que nous, qui sommes sur place, avons une idée précise de la situation. Les touristes sont là et beaucoup n’ont pas été perturbés par l’annonce du couvre-feu bien que certains aient déjà décidé de plier bagages. Ce couvre-feu va sûrement avoir un impact sur le tourisme dans la région et vu la situation, il est exagéré».
La zone touristique «épargnée»
D’un point de vue plus global, la tendance est à l’apaisement. Egalement contacté par nos soins, le Commissaire régional au tourisme de Kebili, Anouar Chetoui est plus mesuré. Il précise d’abord et surtout que le couvre-feu ne touche pas la zone touristique de Douz ni le Sahara.
«Ce couvre-feu est une décision qu’on respecte et suite à celle-ci tout a été mis en œuvre pour suivre de près l’évolution de la situation en coordination avec les hôteliers, agences de voyage, société civile, etc. Mais il reste limité à Douz-Ouest et Ghlissia. Par conséquent, la zone touristique et le Sahara ne sont pas concernés. D’ailleurs, les touristes sont là et les activités touristiques n’ont pas été suspendues», indique-t-il clairement.
Bien qu’évoquant un impact sur certains touristes, il espère tout de même que ce couvre-feu va être levé le plus tôt possible sachant que des événements majeurs sont attendus dans la région.
Rappelons qu’un litige portant sur le droit de propriété de terres dans la localité de Toual El-Hadhalil, où une compagnie pétrolière envisage des travaux de forage et de prospection pétrolière est à l’origine des affrontements et du couvre-feu décrété.