Le communiqué de Béji Caid Essebsi publié le 26 janvier dernier a défrayé la chronique et provoqué d’innombrables réactions. C’est sur cet événement éminemment médiatisé et sur les incidents relatifs aux atteintes aux libertés que l’ancien premier ministre fut soumis aux questions du journaliste Zied Krichen, de l’analyste politique Noureddine Ben Ticha autour de Sofiène Ben Hamida le chroniqueur politique de Nessma TV.
Les interventions de Béji Caid Essebsi se sont essentiellement articulées autour de trois points : le sens de son initiative, les dépassements graves enregistrés la semaine écoulée, et l’appréciation de l’action gouvernementale.
1. M. Béji Caid Essebsi souligne que son intervention sur la scène politique est motivée par sa préoccupation quant à la période critique que traverse le pays. Il est dès lors normal, à ses yeux, de donner son avis et de proposer des solutions. Il s’est félicité que les réactions étaient majoritairement positives tout en exprimant son étonnement quant à l’attitude négative de la troïka. Selon lui, celle-ci devrait se réjouir de l’annonce relative au projet d’un rassemblement de plusieurs tendances politiques. Car il y va de l’équilibre des forces politiques, condition sine qua non de l’alternance démocratique. Toute société ne peut prétendre à la démocratie si la liberté d’expression n’est pas protégée, note-t-il au passage. Il s’agit là d’une allusion faite aux agressions dont ont été victimes certains journalistes et intellectuels, dont Zied Krichen. D’ailleurs, sa présence en tant qu’avocat au procès de Nessma TV se voulait un soutien moral à la chaîne privée.
2. Sur les graves dépassements émanant d’une minorité active et violente, M. Beji Caïd Essebsi a déploré et condamné sans réserve la violence et l’extrémisme qu’il juge « étrangers aux Tunisiens connus pour leur modération ». Il considère le drapeau noir que certains brandissent est un acte inacceptable, car seul le drapeau rouge marqué du croissant et de l’étoile est de mise dans notre pays. Face à cette escalade de la violence et de violation de la loi, l’ancien premier ministre estime que le mouvement Ennahdha se doit de prendre une position claire afin de lever toute ambigüité par rapport à cette minorité. Dans cet ordre d’idées, il insiste sur le fait qu’on ne peut plus se contenter de condamner et qu’il faut identifier et arrêter les fauteurs.
Mais c’est surtout à l’égard des déclarations du député nahdhaoui Sadok Chourou que M. Caïd Essebsi s’est montré ferme. La fatwa proposée quant à l’application de la chariaâ a été fortement déplorée par l’invité de Nessma TV. De tels propos sont insensés et abjects et sont totalement en porte à faux avec les objectifs de la Révolution. Toujours selon lui, le soulèvement du peuple et ses revendications de dignité et de liberté sont à des années lumières des propos de Sadok Chourou. Voilà pourquoi, la vigilance reste de mise par rapport aux signes du spectre de la dictature, a-t-il conclu.
3. Sur l’action gouvernementale, M. Caïd Essebsi a tenu des propos mesurés. Il reconnaît le statut d’homme d’État de Hamadi Jebali mais se garde de se prononcer sur les membres du Gouvernement au motif qu’il ne les connaît pas. S’il est d’accord avec le diagnostic fait par le chef du Gouvernement, et se félicite du voyage de Davos, il a par ailleurs critiqué certaines attitudes qui concernent la troïka. Il a rappelé que l’objectif premier des élections du 23 octobre était la rédaction de la nouvelle Constitution. Il a regretté le fait que le délai du Gouvernent ne soit précisé ni mentionné par écrit, ce qui est de nature à instaurer des certitudes quant au devenir du pays. À cet égard, l’ancien premier ministre juge absolument nécessaire la re-convocation de l’ISIE pour préparer les prochaines élections. Il y a d’autant plus de choses à perfectionner que les dernières élections « ne reflètent pas le vrai paysage politique du pays », précise M. Caïd Essebsi aux yeux de qui le Gouvernement ne semble pas prendre cette question au sérieux.
En conclusion, l’invité de Nessma TV a tenu à souligner la nécessité de mettre l’intérêt du pays au-dessus de toute considération, particulièrement en cette période critique de transition démocratique. Les notions de majorité et de minorité doivent par conséquent être neutralisées. Quant au devenir de l’initiative qu’il a lancée, M. Caïd Essebsi a été plutôt évasif se contentant de dire que le sort de son action sera conditionné par la réaction des partis politiques et de la population. Les journalistes l’ont poussé dans ses derniers retranchements sur la possibilité qu’il préside un nouveau parti. M. Caïd Essebsi n’a jamais nié cette éventualité, il répond tout simplement qu’il restera à la disposition de son pays !