Partis Ă la recherche d’une vie meilleure sur l’autre rive de la MĂ©diterranĂ©e, les jeunes tunisiens «harragas» ont trouvĂ© une tout autre rĂ©alitĂ©. Suite Ă leur passage par l’Ăźle italienne de Lampedusa, ils ont mis le cap sur Paris aprĂšs que plus de 20 mille d’entre eux aient obtenu un permis de sĂ©jour temporaire de l’Ă©tat italien.
Depuis la mi fĂ©vrier, ils ont enchaĂźnĂ© les squattes dans diffĂ©rents arrondissements de la capitale française. AprĂšs avoir Ă©tĂ© dĂ©logĂ©s du gymnase de la Fontaine, une cinquantaine d’entre eux ont dĂ©cidĂ© de se poser dans un bĂątiment vide appartenant Ă la Tunisie. Le bĂątiment, connu des Tunisiens vivant Ă Paris sous le nom de «36 rue Botzaris», adresse oĂč il se trouve dans le 19e arrondissement, Ă©tait pour les autoritĂ©s françaises le «Centre Culturel Tunisien». Il s’agissait, en fait, des locaux de la reprĂ©sentation du RCD en France.
Nos concitoyens, partis pour Eldorado, y trouvĂšrent refuge depuis le 31 mai. Certains Parisiens ont Ă©tĂ© solidaires en leur apportant de quoi se nourrir et arranger les lieux. La mobilisation sur Twitter (le Hashtag #botzaris36) et des mĂ©dias alternatifs français a Ă©tĂ© remarquable. Elisabeth Laude alias @MsTeshi sur Twitter s’est dĂ©marquĂ©e des autres. La jeune Française passe mĂȘme la nuit sur le sol de la cuisine et met en ligne constamment des photos et des vidĂ©os pour couvrir ce qui se passe. Et voilĂ qu’elle dĂ©cide de mettre en ligne des photos qui attestent du caractĂšre RCDiste des lieux : des factures au nom du RCD, des chĂšques avec des sommes colossales, des articles et des photos de l’opposition au rĂ©gime de Ben Ali…Des cartons de membres du RCD classĂ©s par rĂ©gion française ont mĂȘme Ă©tĂ© retrouvĂ©s.
Les lieux auraient mĂȘme servi Ă des rĂ©unions de la police politique de Ben Ali en France et mĂȘme de lieu de torture des opposants au rĂ©gime comme l’atteste ce Tweet et cet article rĂ©digĂ© par le mĂ©dia collaboratif MĂ©diapart. On y estime la gravitĂ© des contenus des archives trouvĂ©es sur place.
A peine quelques temps aprĂšs le buzz de ces preuves, une lĂ©gion de CRS est venue porter main forte Ă leurs collĂšgues dĂ©jĂ prĂ©sents sur place et qui avaient encerclĂ© les lieux. Toutes les associations et les militants venus pour aider ces rĂ©fugiĂ©s ont compris qu’une importante opĂ©ration d’Ă©vacuation se prĂ©parait.
Cependant, le bĂątiment disposant d’un statut extra-territorial, toute dĂ©localisation des rĂ©fugiĂ©s ne peut ĂȘtre faite sans accord de l’Etat tunisien. La dĂ©couverte des documents a, semble-t-il, gĂȘnĂ© l’Etat français mais aussi et surtout l’Etat tunisien. Lequel a vraisemblablement donnĂ© l’autorisation aux forces françaises d’agir.
ExpulsĂ©s, les Tunisiens ont Ă©tĂ© emmenĂ©s au commissariat de la rue Riquet pour cause de troubles et une dĂ©gradation des lieux. Entretemps, la police a empĂȘchĂ© l’accĂšs aux lieux, et certains disent que « des nettoyeurs » sont passĂ©s faire le mĂ©nage. Quelques temps, aprĂšs les rĂ©fugiĂ©s tunisiens ont Ă©tĂ© relĂąchĂ©s. Beaucoup d’entre eux sont retournĂ©s sur les lieux.
Les rĂ©fugiĂ©s de Botzaris gĂȘnent. Les deux Ă©tats français et tunisien cherchent Ă Ă©touffer l’affaire. Les archives et les dĂ©couvertes sont consĂ©quentes. Et les Tunisiens squatteurs sont dĂ©cidĂ©s Ă ne pas se taire, en tĂ©moigne une rĂ©cente vidĂ©o, datant du 7 juin, prise par l’un des occupants de l’immeuble :
http://www.youtube.com/watch?v=4OPV0iYlS6Q&feature=share