Tunis Hebdo | Déjà en guerre contre le terrorisme, la Tunisie sera probablement confrontée au risque d’un conflit armée en Libye. Face à cette nouvelle conjoncture, une économie de guerre s’impose-t-elle en Tunisie ?
Par économie de guerre, on nomme les pratiques économiques exceptionnelles mises en œuvre lors de certaines périodes historiques de fortes agitations. Mais ces pratiques ne sont pas tributaires nécessairement de l’existence de conflits armés.
L’économie de guerre a pour objectif le maintien des activités économiques indispensables à un pays, comme l’autosuffisance, la dissuasion de la consommation privée, la garantie de la production des aliments et le contrôle de l’économie depuis l’Etat.
Intervention imminente !
Tout porte à croire que l’intervention de l’Otan en Libye est imminente. La frappe aérienne effectuée vendredi, par l’aviation américaine, et qui a visé un camp de Daéchiens à Sabrata, augure une succession d’événements dans les jours qui vont suivre. C’est une question de temps.
Cette succession d’événements, la Tunisie s’y est préalablement préparée. Même si on clame, à for et à cri, que nous sommes contre toute intervention militaire en Libye, il n’empêche que nous avons été acculés à nous préparer à une telle éventualité.
En ce début du mois de février, dans le sud tunisien, des opérations de simulation d’évacuation de blessés de guerre libyens ont été effectuées. Une opération dans laquelle se sont investis les hôpitaux de Tataouine et Médenine notamment, avec leurs équipes médicales et paramédicales. Nous ne pensons pas que ces opérations et leur timing étaient éminemment fortuits.
Mais plus important que l’aspect d’évacuation des blessés, comment la Tunisie s’est-elle préparée économiquement à un flux massif de ressortissants libyens sur son territoire, à une augmentation de la demande intérieure, à une probable hyperinflation, et à une éventuelle pénurie au niveau des produits énergétiques ?
Que risque la Tunisie ?
Même si on sait d’avance que les pays qui vont envahir la Libye ne vont pas abandonner la Tunisie à son propre sort, il est quand même important de rappeler que les mesures d’accompagnement dont les « mécènes » vont nous faire bénéficier ne sauraient traduire, en définitive, les grandes difficultés auxquelles notre pays va faire face dans les semaines, voire les mois à venir.
Et ce ne sont pas les 500 millions d’euros accordés à la Tunisie au titre d’une nouvelle assistance macro financière de la Commission européenne ou encore les lignes de crédits signés, ici et là, qui vont nous permettre de sortir de l’auberge. Le coût d’une guerre en Libye est plus important que ces rallonges financières…
La Tunisie est confrontée, en effet, à un risque d’hyperinflation que va provoquer l’augmentation de la demande intérieure. Au niveau des biens de consommation, mais également au niveau des services. L’Etat doit, de ce fait, effectuer un contrôle exhaustif de la politique monétaire pour pallier un tel phénomène.
Notre pays est appelé, par ailleurs, à favoriser l’autarcie au niveau des produits de base, à mettre en place des mesures de réduction de la consommation privée pour éviter toute tension inflationniste, voire à changer sa politique agricole en dirigeant ces cultures vers la production de quantités plus importantes de céréales.
Si pour de nombreux pays non belligérants et territorialement ou économiquement proches d’une zone de conflit armé, l’économie de guerre est une occasion de croissance et de développement, car ils peuvent alors augmenter leurs exportations aux belligérants, nous ne pensons pas que cette thèse s’applique à la Tunisie. Malheureusement.
Chahir CHAKROUN