Sur la chaĂ®ne de TV nationale, Hamadi Jebali, a dĂ©clarĂ© le mercredi dernier que « les donnĂ©es ne sont plus les mĂŞmes et l’agence (entendez Standard and Poor’s) doit revoir son apprĂ©ciation en tenant compte d’un taux de croissance de 4,8% au premier trimestre 2012 ». Le chef du gouvernement provisoire avait alors brandi en guise de preuve, la note de conjoncture de l’Institut National des statistiques pour les 4 premiers mois de l’annĂ©e en cours (2012). (voir la vidĂ©o en bas de page)
Entre peste et choléra
Or le chiffre de 4,8% a dĂ©clenchĂ© une polĂ©mique. Pourquoi? Parce que lors des nĂ©gociations avec l’UGTT, il avait dĂ©clarĂ© que le PIB au premier trimestre avait atteint 1,2%, un niveau de croissance pas assez Ă©toffĂ© pour autoriser une augmentation de salaire qui alourdirait sa gestion financière. Mais voici que Standard and Poor’s tombe comme un cheveu sur la soupe pour infliger Ă la Tunisie une nouvelle dĂ©gradation pour cause de mauvaise gestion. Le problème c’est qu’en annonçant 4,8% d’une part il contredit S&;P et d’autre part il encourage les ouvriers Ă revendiquer une hausse significative des salaires. Un vrai casse-tĂŞte pour si Jebali qui venait de prendre un peu de repos suite Ă un malaise.
Voyons ensemble cette fameuse note dans laquelle l’INS a proposĂ© deux approches pour jauger les rĂ©sultats du PIB lors du premier trimestre 2012. L’une compare les performances du 1er trimestre 2012 Ă celles du 4ème trimestre 2011, l’autre compare les performances du 1er trimestre 2012 au 1er trimestre 2011.
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Selon la première approche, le PIB a enregistrĂ© une Ă©volution nette de + 1.2% contre une rĂ©gression de -1,4% au quatrième trimestre de l’annĂ©e 2011. En effet, durant ces deux pĂ©riodes, l’Ă©volution cumulĂ©e du PIB est bel et bien passĂ©e de -1,4% Ă + 1,2%. Soit un Ă©cart absolu de 2,6% d’un trimestre Ă l’autre. (Pour mieux comprendre ce terme absolu, on peut imaginer un thermomètre dont la tempĂ©rature passe de -1,4 degrĂ©s Ă +1,2 degrĂ©s, ce qui veut dire que la tempĂ©rature a progressĂ© de 2,6 degrĂ©s pour s’afficher Ă 1,2 degrĂ©s). Ceci dit l’INS a corrigĂ© Ă 2,2% l’Ă©cart total et ce, après correction aux prix constants pour neutraliser les variations des prix d’une pĂ©riode Ă l’autre. Quant Ă Jebali, il avait raison d’annoncer Ă l’UGTT que la croissance Ă©tait molle en se limitant Ă 1,2% et que l’annĂ©e devrait ĂŞtre blanche…Sur ce, Standard and Poor’s sort sa notation qui a revu Ă la baisse notre grade souverain pour le faire dĂ©gringoler de BBB- Ă BB !
Comment faire?
Il relit la note de l’INS et constate que selon la deuxième approche, l’INS observe que l’économie nationale au premier trimestre de 2012 a enregistrĂ© une croissance de 4.8% par rapport Ă la mĂŞme pĂ©riode de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente c’est-Ă -dire le premier trimestre 2011, celui oĂą tout Ă©tait en panne. Car il faut prendre conscience que lors de ce premier trimestre 2011, le PIB Ă©tait en rĂ©cession de -3,7% comme en atteste l’INS. De ce fait l’Ă©cart global de la variation du PIB est passĂ© de -3,7% Ă +1,2% = soit un diffĂ©rentiel de 4,9% corrigĂ© Ă 4,8%. Pour prendre une image, reprenez l’exemple du thermomètre dont la tempĂ©rature passe cette fois de -3,7degrĂ©s Ă 1,2 degrĂ©s, faisant un Ă©cart de 4,9 degrĂ©s. C’est cette hypothèse qui semble convenir Ă Jebali, pris qu’il l’est entre le marteau et l’enclume, entre l’UGTT et S&P, quand bien mĂŞme il lui faudrait accepter une hausse des salaires qui risque d’ĂŞtre substantielle.
Pour autant, il n’est pas sorti de l’auberge en comparant comme il l’a fait le premier trimestre 2012 au premier trimestre 2010. Car ce faisant, on obtiendrait plutĂ´t une diffĂ©rence de: 1,2% en 2012 versus 4,6% en 2010 soit une rĂ©gression de -3,4% et non pas une progression comme annoncĂ©e Ă la tĂ©lĂ©vision. A preuve, en passant de BBB+ Ă BBB- et enfin Ă BB, il semble bien que S&P ait considĂ©rĂ© cette rĂ©gression de -3,4% depuis 2010.
Et les autres indicateurs dans cette affaire?
Selon les dernières publications de l’INS, le taux de chĂ´mage relatif au1er trimestre 2012 a atteint18.1 % contre 18.9 % pour le 4ème trimestre 2011. Par ailleurs, au cours des 4 premiers mois de l’annĂ©e 2012, les Ă©changes commerciaux de la Tunisie avec l’extĂ©rieur ont enregistrĂ© une stagnation Ă l’export et une augmentation de 10,6% Ă l’import par rapport Ă la mĂŞme pĂ©riode de l’annĂ©e 2011. En avril 2012, l’indice des prix Ă la consommation (IPC) a augmentĂ© de 0,8% par rapport au mois de mars 2012 tandis qu’en glissement annuel l’inflation est de 5.7 %.
En tout cas, le FMI prĂ©voit une croissance entre 2 Ă 3% cette annĂ©e, selon Toujas-Bernate, ajoutant que les perspectives dĂ©pendent de l’Ă©tendue du ralentissement dans la zone euro, qui est la principale source tunisienne d’investissement et de commerce. Par ailleurs, le cĂ´tĂ© sĂ©curitĂ© reste la condition incontournable pour libĂ©rer les forces naturelles du marchĂ© en perspective d’un retour aux conditions favorisant la reprise consolidĂ©e de l’Ă©conomie, celle de nature Ă attirer davantage les investisseurs qu’ils soient de l’intĂ©rieur ou de l’extĂ©rieur.
