Le gouvernement Chahed se fait attendre et ses décisions n’arrivent encore pas, alors que son premier responsable avait reconnu, lors de son investiture, la délicatesse de la situation qui exigerait des mesures urgentes.
Les premiers pas de Youssef Chahed dans cette direction se résument, pour l’instant, au projet de loi relatif à l’encouragement du développement économique. Ce texte a été déjà transmis à la commission des finances, de la planification et du développement au sein de l’Assemblée des Représentants du Peuple pour y être examiné, discuté avant d’être soumis à l’ensemble des élus.
Dans le dispositif de ce projet de loi, le gouvernement souligne que ce projet entre « dans le cadre de l’encouragement de l’investissement public et privé et considérant le contexte exceptionnel traversé par le pays qui nécessite l’adoption d’une série de mesures urgentes destinées à élever le rythme de réalisation des projets pour la création de postes d’emploi et la contribution au développement des régions, il a été procédé à l’établissement de ce projet de loi qui vise l’adoption de dispositions exceptionnelles pour l’encouragement des investissements. »
Si l’objectif visé par le gouvernement semble, à première vue, louable ; il n’en reste pas moins qu’il pourrait constituer un véritable pétard mouillé voire même un grand danger pour le pays !
Tout d’abord, cette loi ne rompt pas avec les solutions déjà usitées et « expérimentées » par les précédents gouvernements En effet, il s’agit d’un texte à caractère « procédurier » alors que notre pays a surtout besoin de nouveaux choix et d’orientations plus audacieuses allant dans le sens et l’intérêt de la majorité de la population, et non en direction de quelques capitalistes locaux ou étrangers.
Ensuite, ce projet de loi attribue des compétences exceptionnelles et illimitées au pouvoir exécutif de façon qui lui permet d’échapper, en tout ou en partie, aux mécanismes de contrôle politique qui est exercé par l’ARP.
Enfin, et ce qui semble particulièrement suspect dans ce texte, c’est cette disposition relative au changement de destination des terres agricoles afin de les déclasser et de les transformer pour la réalisation « des grands projets » ou des « projets ayant un caractère national ». Autant de formules larges et sibyllines, n’ayant aucune consistance juridique et sans précision, ce qui ouvre la porte à toutes sortes d’abus !
Cette disposition est suspecte parce que la rumeur se rapportant à la cession des terres agricoles avait déjà provoqué débat quelques semaines auparavant au sein de l’ARP au moment des discussions sur le nouveau code des investissements. Cette fois, la même disposition, ou presque, apparait dans ce projet de loi.
Ce genre de décisions de déclassement des terres agricoles et de leur transformation est dangereux pour un pays comme la Tunisie dont la principale activité demeure l’agriculture. Or, les terres agricoles ont été dilapidées sous l’ancien régime au profit des investissements touristiques ou des promoteurs immobiliers qui les avaient acquis pour des miettes avant de les revendre au prix fort avec la bénédiction et la complicité coupable de l’Etat, de l’administration et des responsables politiques.
A bon entendeur salut !
L.L.