Tunis Hebdo | «Îilem El Aâr» est le qualificatif dont la Troïka, principalement Ennahdha, a affublé les médias post-révolutionnaires dans notre pays.
Je trouve personnellement ce qualificatif génial. Ceux qui l’ont inventé lui attribuent, certes, un autre sens, celui qui convient le mieux à leurs intentions, mais ils ne savent pas qu’au fond cette appellation, d’origine contrôlée (AOC), traduit magnifiquement la réalité du secteur de l’information dans notre pays. «Îilem El Aâr», ils ne croyaient pas si bien dire.
Bien évidemment, la Troïka, en son temps, avait tenté par la violence, l’agression, les menaces et les campagnes de dénigrement via Facebook de faire taire les médias qui leur étaient hostiles ou jugés comme tels. Toutes les tentatives ont lamentablement échoué. Les médias officiels, gouvernementaux, indépendants ou même partisans ont fait bloc et ont réussi à faire revenir à l’évidence la Troïka et ses hargneux.
Entretemps, le décor n’a pas beaucoup changé et n’eût été le vent de liberté d’expression (et ses innombrables dérapages) on se serait crus en pleine période pré-révolutionnaire.
Le «baby-boom» médiatique a permis l’éclosion de dizaines de journaux, de chaînes télé, de radios, de sites internet. Lesquels médias ont permis à des dizaines d’animateurs, journalistes, et chroniqueurs de l’ère Ben Ali et qui étaient, à un moment ou un autre, ses porte-voix de se recycler et de revenir sur la scène comme si de rien n’était, occupant les plateaux télé, les émissions politiques et autres talk-shows, avec tout le culot post-révolutionnaire que l’on imagine.
Et si certains ont l’impression que ce sont les mêmes têtes de l’époque Ben Ali qui ont fini par mettre la main sur les médias, ce n’est pas parce que ces gens-là n’ont pas le droit de se refaire une virginité, bien au contraire, le problème de ces jeunes animateurs gominés des prime-time d’El Hiwar, Attassiaâ ou Nessma c’est qu’ils perpétuent la même manière de procéder que celle du temps de Ben Ali.
Ils continuent à inviter des politiciens, des artistes ou des intellectuels sans se renseigner sur eux, sans se documenter. Et en plus ils sont incapables (par manque total de professionnalisme) de maîtriser leurs invités et de diriger les débats sans débordements. Les plateaux qu’ils sont censés «dominer» deviennent des arènes où tout est permis et où les moindres règles de la bienséance sont bafouées. Le malheur c’est qu’ils parviennent à faire de leur incapacité une source de buzz.
Ces animateurs devraient se renseigner sur leurs invités, comme le font leurs confrères des télés occidentales qui, avant d’inviter quelqu’un, préparent tout un dossier sur lui grâce à leurs enquêteurs qui vont jusqu’à fouiner dans les tréfonds de sa vie privée. C’est policier comme procédé, mais les animateurs européens ou américains le font. C’est, d’ailleurs, pour cette raison que les débordements sur leurs plateaux sont rares, parce que leurs invités savent à quoi s’en tenir.
Chez nous, comme les politiciens misent sur l’absence de professionnalisme, la mauvaise volonté et l’improvisation maladroite des animateurs, ils s’amènent comme sur un ring de boxe et leur bousillent l’émission.
Ailleurs, cet invité sait que l’animateur a fait une investigation à son propos, non pas pour le «dénoncer», mais pour garantir que les choses ne sortent pas de leur cadre. C’est de bonne guerre.
Je suis sûr que si l’invité (ou les invités) qui a (ou ont) «dérapé» chez cet animateur d’El Hiwar Ettounsi serait devenu (ou seraient devenus) calmes s’ils soupçonnaient que ce dernier s’était documenté avant de le (ou de les) inviter.
Et il n‘est pas du tout difficile de se fournir en informations authentiques sur l’intégrité et la droiture de l’un ou l’autre invité. Ça aurait facilité beaucoup de choses.
I.B.H.