De toute Ă©vidence, l’annonce de l’annulation de la dĂ©cision d’interdiction de manifester Ă l’avenue Habib Bourguiba ne peut ĂŞtre que bĂ©nĂ©fique pour le commerce, les libertĂ©s et le tourisme. Seulement, malgrĂ© le bien fondĂ© de cette annulation, la rĂ©action a plutĂ´t Ă©tĂ© au scepticisme de la part des commerçants, artisans et restaurateurs du coin, lesquels sont plutĂ´t favorables au maintien de l’interdiction.
Les artisans de la MĂ©dina ont Ă©tĂ© les premiers Ă rĂ©agir, considĂ©rant que les manifestations sur l’avenue Habib Bourguiba font fuir les touristes. Or la crise dans le secteur dĂ©pend des difficultĂ©s structurelles et conjoncturelles qui sont agavĂ©s par la montĂ©e de l’islamisme et les menaces qui pèsent sur les libertĂ©s individuelles. La sortie de secours est entre autres tributaire de la rĂ©ussite de la transition vers la RĂ©publique et la dĂ©mocratie.
L’argument invoquĂ© est que les manifestations Ă l’av. Bourguiba et dans les artères environnantes sont de nature Ă perturber leurs activitĂ©s et Ă rejaillir sur leur situation financière. La plupart d’entre eux ont dĂ» fermer leurs Ă©tablissements pendant des journĂ©es entières et d’autres ont Ă©tĂ© victimes d’actes de destruction, de vandalisme et de pillage de la part des intrus et des dĂ©linquants qui profitent pour semer le chaos et s’adonner Ă des activitĂ©s dĂ©lictuelles
Il est Ă noter que la majoritĂ© des gĂ©rants et des employĂ©s des Ă©tablissements interviewĂ©s ont prĂ©fĂ©rĂ© garder l’anonymat !
Intérêt mercantile ou manipulation politique ?
D’après eux, les manifestations qui se sont déroulées au centre – ville ces derniers mois leur ont causé d’énormes pertes et des manques à gagner substantiels. À côté du vandalisme et du pillage et des journées de fermeture, ils appréhendent la perte de clientèles potentielles, notamment, au niveau de la Medina qui accueille de moins en moins de touristes.
Mais paradoxalement, les slogans scandés au cours de ce contre –manifestation et les réactions des manifestants revêtent une dimension politique. Les personnes interviewées parlent de soutien au ministre de l’Intérieur. Elles pensent que l’insistance d’organiser des manifestations à l’avenue Habib Bourguiba est un défi lancé aux autorités dans le but de déstabiliser le gouvernement et de renverser la tendance qui prévaut. Ils ont annoncé qu’ils sont décidés à aller jusqu’au bout pour faire respecter la loi et faire face à d’éventuelles manifestations par tous les moyens.
La teneur de ces réactions nous autorise à douter de la sincérité des intentions en raison précisément de leur caractère politique.
Seules la confrontation et la violence affectent le business
Les événements de ces derniers mois démontrent qu’une manifestation, même en plein cœur de Tunis, ne présente aucun risque quand elle est pacifique et bien encadrée. Celle d’hier en est une illustration flagrante et celle du 20 mars l’est davantage. Au cours de ces deux manifestations, la première à l’occasion de la célébration de la fête de l’indépendance et la seconde à l’occasion des événements douloureux du 9 avril, aucun incident n’a été enregistré et les établissements ont poursuivi normalement leurs activités.
Les touristes qui ont l’habitude de ce genre de spectacles ne risquent pas d’avoir des craintes lorsque la manifestation ne s’accompagne pas d’affrontements et de violence. Bien au contraire, ils seront tentés de se joindre au spectacle où les citoyens débarrasser de la dictature et de la répression se rassemblent et s’expriment en toute liberté.
Outre ce qui précède, la réaction des commerçants, restaurateurs et artisans qui menacent de recourir à la violence est dangereuse, car il n’est du ressort d’aucun citoyen quels que soient ses intérêts d’intervenir en matière d’ordre public . Seuls l’autorité et les agents de l’État sont habilités d’user de la force en cas d’atteinte à l’intérêt général et à la sécurité des biens et des personnes. Toute violence venant d’autrui constitue une pratique milicienne condamnable indépendamment des mobiles et des intentions
Une manifestation pacifique ne peut être que bénéfique
La polémique n’étant dans l’intérêt d’aucune partie, la question peut être réglée autrement que par le soutien au pouvoir et la menace de violence. Les partisans de l’interdiction peuvent assouplir leur position. Ils peuvent s’organiser en comité syndical et négocier avec les composantes de la société civile, les partis politiques et les députés les conditions qui permettent en même temps de préserve le droit de manifester sans préjudicier à leurs intérêts.
Dans ce sens, il fait rappeler qu’une interdiction absolue d’exercer une libertĂ© de manifester sur la voie publique est illĂ©gale. Il est plutĂ´t indiquĂ© de restreindre les manifestations sur l’avenue Habib Bourguiba Ă des horaires dĂ©terminĂ©s , dans des espaces appropriĂ©s et protĂ©gĂ©s par des barrières et des cordons oĂą les manifestons s’exprimeront sans risque de rĂ©pression, les commerçants profiteront de cet appât et les touristes dĂ©couvriront une autre Tunisie.
Avec suffisamment de mesures et de prĂ©cautions, l’Avenue Habib Bourguiba, en dĂ©pit de cette nouvelle dĂ©cision, ne risque pas d’ĂŞtre le théâtre d’affrontements entre salafistes et manifestants. Surtout si les autoritĂ©s jouent correctement leur rĂ´le pour empĂŞcher les violences et les dĂ©bordements.
