Les médias sont dans l’œil du cyclone, celui du gouvernement et d’Ennahdha qui veulent les mettre sous leur coupe en prévision non seulement des prochaines échéances électorales, mais aussi conformément à leurs orientations idéologiques fondées sur l’hégémonisme et l’autoritarisme.
La stratégie d’Ennahdha a débuté par une guerre sans merci à l’encontre de l’ensemble des médias qualifiés de résidus du régime déchu dans la mesure où ces derniers n’ont pas montré leur sympathie à l’encontre du mouvement islamiste.
Ces slogans fleurirent et prirent un sérieux tournant contre la télévision nationale et notamment son journal télévisé qui s’est distingué par une recherche d’une autonomie éditoriale de bon aloi. Le sit-in organisé durant plusieurs semaines était destiné à exercer une grande pression sur les journalistes afin de les amener à se soumettre. Peine perdue puisque les « gens » de la télé ont fait d’une résistance héroïque.
Cette bataille était perdue par Ennahdha qui reviendra à la charge contre Nessma en exploitant à merveille la diffusion du fameux « Persépolis » afin de provoquer une véritable levée des boucliers, aidée en cela par des salafistes zélés.
Une fois au pouvoir, le gouvernement et Ennahdha ont poursuivi leur œuvre de déstabilisation des médias qui ne cachaient pas leur hostilité à une action gouvernementale qui ne brillait par son efficacité. Les multiples faux-pas des gouvernants provoquaient des critiques parfois très sévères. Cette attitude des médias était dénoncée systématiquement par les Islamistes qui menaçaient par exemple de privatiser le service public de la télé, une menace sérieuse et réelle, les qualifiant de « l‘information de la honte » (Iilam Al Aar).
Tous les ministres ne manquaient pas de monter au créneau alors que le premier ministre jouait astucieusement le rôle de pompier pour démontrer que le gouvernement n’est pas contre la liberté d’expression, mais contre une certaine information, résidu de l’ancien régime.
Ne pas confondre la liberté d’expression et les médias corrompus
Après la télé nationale et Nessma, la troisième chaîne n’est autre qu’Ettounssia dont le patron, Sami Fehri, était lié, d’une manière ou d’une autre au régime déchu à travers Belhassen Trabelsi, et qui se voit signifier un mandat de dépôt délivré en violation de toutes les procédures légales liées à ce genre d’affaires comme l’ont affirmé ses avocats.
La dernière en date est celle qui vient d’éclater entre le site d’information en ligne « Buisenessnews », qui semble lié aussi à certaines personnalités de l’ancien régime, et Lotfi Zitoun, le « pourfendeur en chef » des médias, et dans laquelle le site en question tente de démontrer que la propriété de la chaîne de télé « Zitouna », qui appartiendrait en réalité non pas à Oussama Ben Salem, le fils du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, mais à ce même Lotfi Zitoun.
Indépendamment de cela, que ces informations se vérifient ou pas, le gouvernement et Ennahdha sont en train de monter de toutes pièces une stratégie visant à mettre au pas l’ensemble du paysage médiatique.
Ils sont en train de s’attaquer à des personnes ou des instituions qui ont été incontestablement liées à l’ancien régime et de les assimiler aux mentors de « l’information de la honte » dans le but de monter l’opinion publique non seulement contre elles, mais aussi contre tout le secteur des médias. Cette politique crée une certaine confusion dans les esprits des citoyens qui ne réussiront pas toujours à faire la différence entre le principe de la liberté de la presse et celui de la liberté d’expression, et ceux dont tout le monde s’accorde à dire qu’ils étaient loin d’être des sains sous l’ancien régime.
Mais cette politique aurait surtout une autre conséquence autrement plus grave. Elle pourrait permettre au gouvernement de justifier, par la suite, la mise au pas de l’ensemble des médias. En salissant l’image de marque des journalistes et des institutions d’informations, et en portant atteinte à leur intégrité, le gouvernement et Ennahdha cherchent à atteindre leur crédibilité pour faire croire à l’opinion publique qu’ils ne sont entrain que de « purifier » le secteur de l’information.
Mais, on sait que la « purification » politique n’est rien d’autre que l’élimination de toute voix discordante…