Deux ans après l’attaque du musée du Bardo, où en est l’enquête ? Des informations surgissent parfois ici et là, au compte-gouttes… Mais rien de concret, c’est du moins ce qu’on estime côté français où les avocats des victimes – quatre Français ont été tués et six blessés – se plaignent du manque d’information.
Deux ans après cette attaque qui a fait 24 tués – 21 visiteurs étrangers, un policier et deux djihadistes – le 18 mars 2015, « l’enquête n’en finit pas de soulever des interrogations, voire un malaise », constate Le Monde.
« En Tunisie, l’enquête sur l’attaque du musée du Bardo entachée par les controverses », titre le journal qui a contacté les avocats des victimes françaises.
[quote_box_center] »A sa manière, l’affaire est un miroir des tensions propres à la transition tunisienne », ajoute le journal tout en précisant bien que le juge d’instruction saisi de l’affaire du Bardo a officiellement clos l’enquête en novembre 2016, et a transmis le dossier à la chambre d’accusation, qui devrait se prononcer sur le renvoi en procès. Une vingtaine de prévenus doivent comparaître dans les prochains mois.
Mais en France, les avocats des victimes ou de leurs familles ne cachent pas leur dépit devant la manière dont ils ont été informés de l’instruction. « Une immense déception », dit Pauline Manesse, dont le cabinet représente une trentaine de victimes. « On a voulu croire en la justice tunisienne, faire confiance à cette démocratie naissante et lui laisser du temps, ajoute-t-elle.
Il est normal que les Tunisiens conduisent les opérations – enquête et procédure judiciaire – mais ils auraient dû rendre compte de leurs avancées à la justice française. Or le dossier français est squelettique. Il a fallu attendre un an et demi pour recevoir des procès-verbaux d’interrogatoires, qui plus est, arrivés en arabe ». « Les victimes ne comprennent pas : aucune autorité ne joue le jeu de la transparence, poursuit-elle. Elles ont un sentiment d’abandon ».[/quote_box_center]
Cafouillages et querelles intestines
Le Monde rapporte que « dès le départ, la sérénité de l’enquête a été altérée par des cafouillages, des querelles intestines au sein de l’appareil sécuritaire tunisien et, plus grave, des allégations de torture contre des suspects. A la brigade antiterroriste d’El-Gorjani initialement saisie de l’enquête, une violente rivalité oppose alors le chef à son adjoint. Elle va se cristalliser autour d’un cas de torture.
[quote_box_center]Le juge d’instruction chargé de l’enquête de l’attaque du Bardo, Béchir Akremi, magistrat du pôle antiterroriste, constate la réalité de la torture dont a été victime le suspect Houcine D. et dessaisit la brigade antiterroriste d’El-Gorjani pour confier l’enquête à une autre unité : la garde nationale de l’Aouina. Cette affaire de torture aura une autre conséquence : la libération, décidée en août 2015 par le juge Akremi, de six suspects, tous prétendant avoir subi de mauvais traitements. Il faut reprendre des pans entiers de l’enquête.[/quote_box_center]
Selon Issam Dardouri, syndicaliste policier et fondateur de l’Organisation tunisienne de la sécurité et du citoyen, le fait de relâcher six suspects sur le simple fait qu’ils ont été torturés a été une erreur. De quoi exacerber les tensions entre juges et policiers.
De Paris, Philippe de Veulle, l’un des avocats des victimes, estime que « la relaxe d’août 2015 des six prévenus, motivée par leur torture, n’est qu’un « prétexte judiciaire ». « Le juge [d’instruction chargé de l’enquête Béchir Akremi, nommé depuis procureur de la République], est marié à une islamiste, pointe-t-il, et il a été nommé au moment du gouvernement de la troïka ».
AB