Au petit matin de cette première journée de grève (le 20 février), le spectacle dans la ville était écœurant. Partout, des quantités énormes d’immondices encombrent les artères et les ruelles. Rue de Marseille et en face d’un restaurant très connu qui ne désemplit pas, les passants devaient aller d’un trottoir à l’autre pour contourner les amas d’ordures qui étaient éparpillées partout et dégageaient une odeur nauséabonde. Les bureaux municipaux étaient fermés et les citoyens devaient attendre trois journées encore pour accomplir certaines formalités ou retirer des actes civils.
Entre temps, pas de crédit, pas de dossiers, pas d’inhumation, pas de mariage et pas de files d’attente. Seuls les services de la police municipale, en chômage technique depuis le 17 décembre 2010, ne sont pas en grève puisqu’ils bénéficient, grâce à leur mouvement de protestation de l’année dernière, de la prime que réclame leurs collègues dans les services administratifs et d’hygiène.
La seconde journée a été marquée par des tensions très graves suite à des appels sur le réseau social incitant les fans et partisans à s’attaquer à l’UGTT qui a décidé cette grève. Leur réaction ne s’est pas fait attendre puisque dans la nuit des quantités de déchets ont été déversées devant les locaux du syndicat. Les représentants de l’UGTT ont tout de suite condamné et désigné du doigt des militants du mouvement ENNAHDHA accusés de vouloir mettre en échec le mouvement social des agents municipaux.
Les gens qui passaient étaient indignés et l’exprimaient de différentes manières. Pour les uns, on devait interdire ces grèves qui empoisonnent la vie du citoyen. Pour d’autres, derrière cette grève il y a des manipulateurs qui mettent les bâtons dans les roues à des fins politiciennes. Pour certains, l’État aurait dû appliquer les accords passés avec le syndicat pour ne pas en être là.
Hormis les indignations, aucune réaction notable n’est enregistrée du côté des politiques et de la société civile en dehors de quelques initiatives disparates et d’un appel du Pôle démocratique moderniste qui demande aux citoyens de garder les poubelles chez eux en attendant la fin de la grève. Cet appel, lancé dans un contexte où les consignes habituelles d’hygiène et de propreté publiques ne sont pas toujours respectées, gagnerait à être relayée par une action citoyenne de la part des militants du Pôle.
Côté politique, aucune réaction ne s’est manifestée malgré le caractère nuisible de cette grève sur les plans sanitaire et social. Faut-il, comme lors de la dernière grève des éboueurs qui a duré près d’un mois, que la situation pourrisse davantage pour que les décideurs entrent en scène et prennent les mesures urgentes qui s’imposent ?
Côté société civile, l’unique initiative à souligner émane d’un collectif d’associations à Hammamet, opérant dans le domaine de l’environnement, qui a mis en place dans la région tout un programme pour faire face aux effets de la grève. Il a distribué des flyers et des sachets poubelle, a engagé une campagne de communication pour expliquer aux habitants la démarche à suivre pendant ces 4 journées de grève et s’est réparti les tâches par secteur et par nature d’intervention. Cette initiative est à valoriser. Lui reconnaître le mérite d’avoir observé cette attitude citoyenne vise tout d’abord à remercier les associations de ce collectif pour leur civisme et à les inciter à persévérer et agir autant chaque fois que la situation l’exigera. Il vise aussi à inspirer d’autres associations qui opèrent dans le même domaine et ont les mêmes soucis.
Les citoyens ont également leur part de responsabilité et doivent savoir se prendre en charge en pareilles situations. La leçon de citoyenneté nous vient cette fois-ci d’un quartier à la Cité Riadh Andalous, gouvernorat de l’Ariana, où les habitants ont décidé de se cotiser pour l’enlèvement des ordures ménagères. Avec un dinar par foyer et par mois, ils espèrent préserver une certaine qualité et hygiène de vie en dépit de la grève.