L’admiration des Tunisiens pour Bourguiba a créé chez plusieurs gĂ©nĂ©rations ce sentiment, une envie d’être dirigĂ©s par un père, dictateur, mais protecteur. Depuis, nous sommes Ă l’affĂ»t de ce symbole paternaliste. D’ailleurs, un des points forts de l’ex-premier ministre BĂ©ji Caied Essebsi est d’avoir compris que les Tunisiens Ă©taient des orphelins pour lesquels il fallait user des techniques oratoires du Zaim pour les guider.
Avant la fuite de Zine El Abidine Ben Ali, en voyant la passivitĂ© de l’armĂ©e tunisienne face Ă la montĂ©e de la rĂ©volution, on murmurait que le gĂ©nĂ©ral Rachid Ammar avait refusĂ© d’obĂ©ir Ă son prĂ©sident. Après le 14 janvier, c’est devenu un fait, la Tunisie a son hĂ©ros qui aurait dit « non Ă Ben Ali ». Toutefois, le General aurait refusĂ© de devenir le nouveau dictateur de la Tunisie et aurait cherchĂ© Ă garantir la transition politique. Mohamed Ghannouchi a donc pris les rĂŞnes du pays…
Mais le nouveau hĂ©ros est timide. Ses quelques apparitions se comptent sur les doigts d’une main. L’une d’elles est lors des Sit-ins devant la Kasbah afin de calmer la rĂ©volte populaire venue de l’intĂ©rieur du pays. Cette intervention du GĂ©nĂ©ral, non programmĂ©e, aurait Ă©tĂ© sollicitĂ©e par l’ex-premier ministre Ghannouchi.
Avec l’arrivĂ©e de BĂ©ji CaĂŻd Essebsi, les apparitions du gĂ©nĂ©ral Ammar se sont faites de plus en plus rares. Chez les Tunisiens, il y avait tout de mĂŞme ce sentiment de sĂ©curitĂ©, qu’un « ange gardien» Ă©tait lĂ pour les protĂ©ger, au cas oĂą… !
Au cas oĂą, par exemple, le parti islamiste remportait les Ă©lections du 23 octobre, l’armĂ©e tunisienne interviendrait pour sauver la RĂ©publique. L’ancien ministre de l’intĂ©rieur, Farhat Rajhi, le croyait en tout cas. Une bonne frange de la population tunisienne espĂ©rait un coup d’État, aux prix de voir s’installer une dictature militaire.
Ennahdha a gagnĂ© les Ă©lections. Cela arrange la Maison Blanche. En effet, leur stratĂ©gie gĂ©opolitique pour la rĂ©gion MENA ( Moyen-Orient et Afrique du Nord ) est d’utiliser les islamistes et leurs diffĂ©rentes branches pour, en premier lieu, contrĂ´ler le courant islamiste et ensuite renverser le rĂ©gime en Iran et affaiblir ses alliĂ©s, et ce, Ă moindre frais.
Avec la montĂ©e de l’Islam, les salafistes sont devenus une rĂ©alitĂ© et l’ombre de la charia a commencĂ© Ă planer sur la Tunisie. L’intĂ©rĂŞt personnel des simples citoyens et celui des hommes d’affaires et des opposants Ă©taient en jeu. Ces inquiĂ©tudes ont Ă©tĂ© matĂ©rialisĂ©es, en janvier 2012, par un communiquĂ© Ă©crit par CaĂŻd Essebsi et adressĂ© Ă l’opinion publique. La coalition anti troĂŻka Ă©tait en route. Trois jours après la fĂŞte de l’indĂ©pendance, Ă Monastir, elle a su se montrer menaçante.
Le gouvernement provisoire et Ennahdha and Co, pour contrer l’opposition, devaient se montrer plus proches que jamais des Tunisiens, au prix de se dĂ©solidariser de ses sympathisants les plus extrĂ©mistes. Ennahdha s’est alors montrĂ© surpris que certains veuillent modifier l’article premier de la Constitution de 1959 et a fini par pointer du doigt les salafistes. Car au sein d’Ennahdha, ses partisans mĂŞme commençaient Ă se douter des promesses de leur parti Ă vouloir crĂ©er un meilleur pays tout en garantissant les droits des Tunisiens chèrement acquis depuis l’indĂ©pendance.
Il y a eu alors un dĂ©filĂ© de dĂ©clarations, crescendo, sur la position du gouvernement face au salafisme. Cela a dĂ©butĂ© avec Jebali en Allemagne, puis Ali Laarayedh, le ministre de l’intĂ©rieur, dans une interview accordĂ©e au journal Le Monde, sans oublier Rached Ghannouchi sur les ondes des radios tunisiennes. La cerise sur le gâteau, ou plutĂ´t le sorbet « colonel », est que le gĂ©nĂ©ral Ammar, le fameux ange gardien, aurait dit, « Ă propos des dernières violences salafistes », au ministre de l’intĂ©rieur qu’il « sifflerait la fin de la rĂ©crĂ©ation».
MalgrĂ© les dĂ©mentis publiĂ©s, entre autres, sur la page Facebook d’Ali Laaryedh, les Tunisiens croient plus que jamais que le gĂ©nĂ©ral Ammar, est lĂ pour protĂ©ger les valeurs de la RĂ©publique, les musulmans modĂ©rĂ©s et les laĂŻques en cas oĂą …