La décision prise par le chef du gouvernement Mehdi Jomâa, concernant la fermeture immédiate des mosquées hors contrôle du ministère des Affaires religieuses, a suscité plusieurs réactions chez les Tunisiens.
Qu’on soit pour ou contre cette décision, prise suite à l’attaque terroriste du 16 juillet au mont Chambi , beaucoup de Tunisiens estimeraient que la solution serait ailleurs.
Mohamed Ali Jamoussi, fonctionnaire :
«Il faut une police religieuse dans les mosquées !»
Mohamed Ali Jamoussi, un fonctionnaire vivant à Tunis, pense que la décision prise par Mehdi Jomaâ est «maladroite»
« Si le chef du gouvernement veut partir à la recherche du terrorisme qu’il le fasse ailleurs et non dans les mosquées. Qu’il aille fouiller au sein des partis politiques, des médias, dans les pensées… C’est là que se trouve le terrorisme.»
La solution prise par Mehdi Jomaâ est une solution de facilité commente-t-il. Pour M. Jamoussi, une « police religieuse » envoyée aux mosquées pour les «fouiller et les surveiller» serait une bonne chose.
Se mettant dans le rôle des défenseurs des mosquées El Fath ou celle de Okba Ibn Nafaâ à Kairouan, la priorité pour lui serait « le terrorisme intellectuel » qui émane, selon lui, «des partis politiques qui veulent arriver au pouvoir, celui des médias, celui des hommes d’affaires».
Le scepticisme de M. Jamoussi est évident: «Ben Laden n’a-t-il pas été envoyé par les Américains pour combattre les Russes ? Il faut se poser la même question.» nous demande-t-il.
Najla Cherif, professeur universitaire :
«Mehdi Jomaâ n’a pas encore de démarches attaquant de front et sur le fond le terrorisme»
Pour Najla Cherif, les récentes décisions du gouvernement ne sont pas faciles à estimer. Son avis reste mitigé.
«D’un côté, c’est un lieu de culte qui doit être accessible comme le sont les églises, les synagogues et les temples bouddhistes, mais de l’autre ce ne sont que des lieux de culte… Les fermer ne résoudra en rien le problème des prêches incitant à la haine et cette décision ne fera que déplacer ces prêches dans la rue.»
Pour la professeur, le problème se situe au niveau du financement.
«Auditer les sources de financement des mosquées, mettre toute personne ayant incité à la haine face à ses responsabilités, quelle que soit sa position dans le paysage politique, empêcher tout adhérant à un parti politique de prêcher…»
D’après Mme Chérif, l’ expérience de la Tunisie et son histoire ont démontré que fermer les lieux de culte ne résout en rien les problèmes. Au contraire, assure-t-elle. Par ailleurs, les rendre «neutres et indépendants de tout conflit politique serait le vrai travail». Selon elle, Mehdi Jomaâ n’a pas encore de démarches attaquant de front et sur le fond le terrorisme :
«Il avance en titubant alors que les terroristes avancent à pas de géant et n’auront aucun scrupule à éliminer n’importe quelle cible. Par contre nous avons tous apprécié le fait qu’il soutienne publiquement la vérité criée par Sahbi Jouini, la coopération avec l’Etat algérien et la cellule de crise mise en place. Qu’il avance et le peuple le soutiendra et que chacun prenne ses responsabilités devant les vérités car le peuple n’est pas dupe.»
Walid Ayadi, manager
«Mehdi Jomaa a décidé d’utiliser les mêmes méthodes employées par Ben Ali»
«Mehdi Jomaa a décidé d’utiliser les mêmes méthodes employées par Ben Ali avant le 14 janvier 2011, à savoir la fermeture de mosquées, de médias sous prétexte de lutter contre le terrorisme. » affirme M. Ayadi, qui s’est avéré également être membre du parti Wafa. Durant notre entretien, il nous a évoqué la politique de Ben Ali en isolant les mosquées.
Pour M. Ayadi, le chef du gouvernement risque de se mettre à dos une opinion publique.
Besma, professeur d’anglais :
«Tolérer une décision limitée dans le temps »
«Si c’est la solution pour venir à bout de ce terrorisme auquel nous ne sommes pas habitués, on peut tolérer cette décision qui doit être dotée d’une limite dans le temps.» nous répond Besma. D’après elle, les familles et les habitants des quartiers où se situent les mosquées concernées par cette décision devraient être compréhensifs «si c’est pour le bien de la communauté.» explique-t-elle. Pour la professeur, le contexte de terrorisme est déterminant, car pour elle «en temps normal, il serait inconcevable de fermer une mosquée.»