Après avoir entrepris les investigations nécessaires et audité les comptes ouverts dans des banques suisses au nom de certains proches du président déchu, la FINMA, (autorité fédérale de surveillance des marchés financiers en Suisse) a relevé des manquements et des négligences de la part de trois banques suisses qui ont pris en charge la gestion des fonds déposés par ces derniers sans se soucier de leur origine. Il s’agit de la HSBC, de l’Union bancaire privée et de l’EFG qui fait partie d’un groupe international de banques privées dont le siège est à Zurich.
La HSBC doit simplement verser à l’autorité de supervision les frais de procédure
Pour ce qui concerne la HSBC, l’information annoncée ce dimanche sur la chaîne de télévision Suisse RTS, dans le journal de 19 h 30, fait état de dépôts de l’ordre de 300 millions de dollars qui ont transité par la banque pour être expédiés vers Dubai, le Liban et la Tunisie. La part de lion dans ces versements qui se sont étalés sur 10 ans, revient à Belhassen Trabelsi qui est poursuivi en Suisse pour blanchiment d’argent. Actuellement, il n’en reste que 40 millions de dollars bloqués sur décision des autorités dans le cadre de l’enquête sur l’origine de ces fonds. La HSBC reconnaît qu’elle a commis des fautes au niveau du traitement des opérations et des fonds qui lui ont été confiés. Elle a n’a pas observé les diligences qui lui sont requises en vertu de la législation suisse en matière anti-blanchiment ce qui a facilité l’exécution de ces dépôts douteux et leur transfert en dehors de la Suisse. En effet, Belhassen Trabelsi et les autres proches du Président déchu ayant la qualité de Personnes politiquement exposées (Personnes dont la situation politique ou dans les milieux politiques incite au blanchiment et à la corruption ), les entrées en relation et les mouvements transactionnels qui les concernent doivent faire l’objet de mesures particulières de vérification et de contrôle pour ne pas avoir à prendre en charge et à gérer des fonds d‘origine illicite. Or, en omettant d’opérer ces contrôles, la banque leur a permis de réaliser entre 2006 et 2010 d’importantes transactions sans en produire le justificatif. Professionnellement, la faute est inexcusable. Elle implique de lourdes responsabilités et peut rejaillir sur la réputation et les relations de l’organisme avec ses clients et correspondants. Cependant, malgré sa gravité et ses implications financières, le gardien du temple, la FINMA, s’est limitée dans sa décision notifiée à la banque le 16 avril 2013, à lui infliger une amende de 88 mille francs suisses en couverture des frais de procédure, lui reprochant, simplement, des « légèretés ». A côté de cette condamnation « naïve et inutile » aux dires de Paolo Bernasconi (ancien procureur de Tessin – canton suisse) à comparer avec l’ampleur de la faute commise, la FINMA a prescrit à l’HSBC de revoir ses procédures en matière d’entrée en relation et de surveillance des transactions financières et lui a interdit de traiter avec des personnes politiquement exposées pour une durée de 3 ans dans la mesure où la non-conformité dans cette affaire a concerné des personnes faisant partie de cette catégorie de clientèle.
L’Union bancaire privée et l’EFG condamnées uniquement aux frais de procédures
Les décisions rendues à l’encontre de l’Union bancaire privée et l’EFG sont tout aussi surprenantes. Selon ces deux décisions confidentielles prononcées le 4 mai 2012, les banques condamnées doivent verser respectivement 46 mille et 49 mille francs suisses représentant les frais de procédures. Pourtant, l’accent a été mis sur le fait que ces deux banques « ont gravement enfreint le droit de la surveillance ».
Les chroniqueurs et les spécialistes qui se sont intéressés au dispositif de ces décisions ont critiqué la position de la FINMA qui ne rend pas compte de la gravité des fautes commises et de la teneur du risque d’exposition. En se limitant à la couverture des frais, le surveillant des banques suisses n’a fait que penser à rentrer dans ses fonds au lieu de sévir dans l’intérêt de la place financière. Les banques Suisses qui ont accepté difficilement de désacraliser le secret bancaire pour préserver la sécurité du secteur et s’ aligner sur les pratiques internationales, vont pouvoir y trouver un prétexte pour se détourner de leur engagement de conformité à l’égard des autorités de leur pays et du législateur international. Les blanchisseurs et les corrompus parmi les dictateurs et les mafieux attitrés, n’auront plus de souci à se faire sur la place Helvétique. Leur argent quelles que soient son origine et les suspicions qu’il inspire sera à nouveau le bienvenu dans le royaume de la non-conformité.
La Tunisie doit savoir en tirer profit
Même si ces décisions n’établissent pas la commission du délit de blanchiment et ne confirment pas les soupçons autour de l’origine des fonds déposés, les fautes commises par les 3 banques condamnées ont fait perdre la faculté d’investiguer sur leur nature et les intentions des déposants. Pour le moment, il s’agit de simples soupçons basés sur le caractère anormalement élevé des dépôts versés et l’inexistence de justificatifs comme le requiert la législation internationale. Si les banques incriminées avaient effectué les vérifications nécessaires, il y aurait de fortes chances de bloquer ces transactions douteuses et d’en restituer la contrepartie à l’Etat tunisien qui a adhéré aux conventions internationales contre le blanchiment et la corruption. Ceci pour dire que les fautes imputées aux banques suisses se sont traduites par des pertes financières énormes au détriment de l’Etat tunisien. La Partie tunisienne pourra ainsi tenter sa chance et réclamer la réparation du préjudice auprès des autorités judiciaires suisse. La législation internationale le prévoit le droit suisse ne s’y oppose pas.
