L’annonce inattendue du président des États-Unis, Donald Trump, selon laquelle il « n’autorisera pas Israël à annexer la Cisjordanie occupée », a provoqué une onde de choc sur la scène diplomatique, suscitant des réactions allant de la prudence des analystes à la confrontation ouverte avec l’aile ultra-nationaliste du gouvernement israélien.
Scepticisme et prudence chez les analystes
L’une des réactions les plus immédiates est un profond scepticisme quant à la mise en œuvre de cette menace, compte tenu de l’historique du président américain et de la relation passée entre les États-Unis et Israël.
- Doute sur la concrétisation: Des analystes comme Mouin Rabbani ont qualifié la déclaration de « positive », mais ont immédiatement émis des doutes sur le fait que M. Trump « tiendrait ses promesses », notant qu’il est risqué d’accorder de la valeur aux paroles du leader américain. La question centrale est : quelles mesures concrètes les États-Unis prendraient-ils pour bloquer une annexion ?
- Historique de l’impunité: L’analyste Elmasry a rappelé que Washington a souvent réprimandé Israël par le passé pour ses actions, avant de « laisser Israël faire ce qu’il veut », citant l’exemple de l’offensive de Rafah que l’administration précédente avait dit vouloir empêcher.
- Une question « académique »: Pour certains experts, la question de l’annexion formelle est devenue en partie « académique », car « Israël exerce déjà un contrôle de facto sur la Cisjordanie » par le biais de son occupation militaire et de l’expansion continue des colonies.
Conflit ouvert avec l’extrême droite israélienne
La déclaration de M. Trump place son administration en « situation de collision » directe avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et les membres d’extrême droite de son gouvernement.
- Objectif politique formel: L’annexion de la Cisjordanie (que les Israéliens appellent « Judée-Samarie ») est un objectif politique affiché et formel pour des figures clés comme le ministre des Finances Bezalel Smotrich. Ce dernier avait d’ailleurs présenté en juillet 2024 une motion non contraignante à la Knesset en faveur de l’annexion, qui avait été adoptée par 71 voix contre 13.
- Risque de crise politique: Ce revirement de la politique américaine, en particulier sur une question aussi fondamentale pour les partis ultra-nationalistes, pourrait potentiellement « déclencher une crise politique en Israël », compte tenu de la dépendance de Netanyahou à l’égard de ces factions pour maintenir sa coalition gouvernementale.
Pression arabe et soutien international
La position de Donald Trump semble être le résultat direct d’une pression diplomatique intense, notamment de la part des dirigeants du monde arabe.
- Exigences des dirigeants musulmans: Peu avant son annonce, M. Trump avait rencontré en marge de l’Assemblée générale de l’ONU les dirigeants de plusieurs États arabes et musulmans (Arabie saoudite, Qatar, Émirats arabes unis, Égypte, Jordanie, Turkiye, Indonésie et Pakistan). Ces derniers auraient « réclamé au président américain des garanties contre l’annexion » de la Cisjordanie.
- Ligne rouge européenne: La position de M. Trump se rapproche de celle de la communauté internationale. L’entourage du président français Emmanuel Macron a d’ailleurs qualifié l’annexion de la Cisjordanie de « ligne rouge claire », soulignant qu’elle « compromettrait le plus gravement » la perspective d’une solution à deux États.
- Contexte du Droit International: Cette prise de position intervient également après l’arrêt de la Cour Internationale de Justice (CIJ) de juillet 2024, qui a jugé les colonies israéliennes illégales et a exigé leur démantèlement.
La déclaration de Donald Trump marque un changement notable dans la rhétorique américaine, s’écartant du soutien inconditionnel que l’extrême droite israélienne espérait. Elle ouvre une période d’incertitude où la crédibilité du président sera jugée non pas sur ses mots, mais sur les actions qu’il entreprendra pour freiner les ambitions territoriales d’Israël.
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