Face à un contexte géopolitique tendu, notamment avec la guerre en Ukraine, plusieurs pays européens réexaminent la question du service militaire obligatoire. Le besoin de renforcer les effectifs des forces armées se fait de plus en plus pressant, alimentant ainsi un débat qui semblait clos depuis plusieurs décennies.
Une discussion relancée par la Pologne
Le débat a récemment été ravivé après les déclarations du chef d’état-major des forces armées polonaises, Wiesław Kukuła, qui a souligné la nécessité pour son pays d’envisager un retour au service militaire obligatoire. Toutefois, le vice-ministre polonais de la Défense, Cezary Tomczyk, a affirmé que le gouvernement ne prévoyait pas d’instaurer à nouveau cette mesure. Il a néanmoins précisé que des alternatives en matière de formation militaire seraient mises en place, sans en détailler la nature.
Dans un contexte de tensions croissantes avec la Russie, plusieurs États membres de l’OTAN cherchent à renforcer leurs capacités militaires. La France, par exemple, a adopté une stratégie visant à encourager les soldats à prolonger leur engagement, tandis que d’autres pays, comme la Croatie, envisagent une réintroduction du service militaire obligatoire.
Une question qui prend de l’ampleur en Europe
Un rapport publié par Foreign Policy en février dernier indique que l’Union européenne débat de plus en plus du retour du service militaire obligatoire. La fin de la guerre froide avait conduit de nombreux pays européens à abandonner cette pratique au profit d’armées professionnelles plus restreintes. Toutefois, la situation sécuritaire actuelle amène certains gouvernements à reconsidérer cette option.
Selon un diplomate de l’OTAN cité par le rapport, la question du recrutement obligatoire est désormais abordée ouvertement entre les alliés, avec pour objectif d’identifier les meilleures pratiques en matière de mobilisation des effectifs. Historiquement, la conscription était généralisée en Europe, mais au fil des décennies, plusieurs pays ont opté pour sa suppression. Le Royaume-Uni a été le premier à mettre fin à la conscription en 1960, suivi par la France et les Pays-Bas dans les années 1990. Aujourd’hui, seuls quelques pays, comme la Finlande et la Suisse, maintiennent encore un service militaire obligatoire.
Avec les tensions persistantes entre l’Europe et la Russie et l’instabilité au Moyen-Orient, plusieurs États européens réévaluent leurs stratégies de défense.
L’attitude de Washington, un facteur clé
Depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche en janvier dernier, la confiance des Européens envers leur allié américain s’est érodée. Le président américain a souvent conditionné son soutien aux alliés à des contreparties financières ou stratégiques.
L’annonce, lundi dernier, d’un gel de l’aide militaire américaine à l’Ukraine a accentué les inquiétudes européennes, d’autant plus que cette décision est intervenue après un échange téléphonique prolongé entre Trump et le président russe Vladimir Poutine, le 12 février dernier. Cette évolution a conduit les Européens à envisager une plus grande autonomie en matière de défense, notamment à travers une refonte de leurs politiques de recrutement militaire.
Une implication potentielle des communautés immigrées
Si certains pays réintroduisent le service militaire obligatoire, cela pourrait concerner des membres de la diaspora tunisienne résidant en Europe. Une partie significative des Tunisiens installés dans les pays européens possède en effet la nationalité de leur pays de résidence, ce qui pourrait les rendre éligibles à une conscription éventuelle.
Bien que les partis de gauche en Europe s’opposent majoritairement à cette perspective, plusieurs formations politiques, notamment à droite, plaident en faveur du retour du service militaire et de l’implication des jeunes, y compris ceux issus de l’immigration.
En Allemagne, le chef du parti conservateur CDU, Friedrich Merz, récemment élu, a affiché sa volonté de renforcer le rôle de son pays au sein de l’Union européenne et n’a pas caché son intention de rétablir la conscription. L’armée allemande considère par ailleurs que cette mesure pourrait être une solution face à la pénurie de recrues, un problème qui touche tant les officiers que les soldats du rang.
Alors que l’Europe se repositionne face aux défis sécuritaires, la question du service militaire obligatoire pourrait bien revenir au cœur des politiques de défense nationales dans les années à venir.