Incroyable mais vrai. L’armée américaine a importé – à son insu – une grande quantité de pétrole d’origine russe auprès d’une raffinerie grecque. Comment cette transaction s’est-elle produite ? Explications.
Une enquête du Washington Post montre comment le département d’État américain à la Défense viole – sans le savoir – les sanctions imposées par l’administration Biden à la Russie pour acheter du pétrole russe.
La raffinerie grecque, fournisseur clef du Pentagone, s’appelle Motor Oil Hellas. Cette entreprise a finalisé un contrat de 910 millions d’euros avec Washington. Jusque-là, tout est dans l’ordre.
Sauf que pour contourner l’embargo, cette entreprise a profité d’un stratagème entre Moscou, les Émirats arabes unis et la Turquie pour dissimuler l’origine russe de ses produits.
En effet, la raffinerie a mis en place un nouvel itinéraire d’exportation par lequel le pétrole russe transite par bateaux sur la mer Noire puis par la Méditerranée pour arriver dans la ville turque de Dörtyol.
Pendant leur trajet en bateau, les cargaisons russes sont achetées par une société basée aux Émirats arabes unis. Lorsque le fioul est acheminé en Turquie, il est acheté cette fois par la société pétrolière nationale d’Ankara.
Ce n’est seulement qu’après toutes ces transactions que le pétrole est enfin importé par Motor Oil Hellas. Toutes ces étapes permettent de dissimuler l’origine russe des produits car ils ont changé de mains plusieurs fois avant d’arriver sur le territoire grec en mer Égée. La raffinerie revend ensuite ce pétrole non identifié à l’armée américaine.
Les registres de suivi des navires et les données commerciales ont révélé que depuis l’entrée en vigueur des sanctions de l’Union européenne et du G7 sur les produits de Moscou, les livraisons russes à Dörtyol se sont élevées à 2,7 millions de barils, soit plus de 69% du fioul stocké dans cette ville.
«La quantité exacte de mazout d’origine russe dans les ressources achetées par le Pentagone n’a pas pu être déterminée. Ces produits sont raffinés à l’aide de multiples ingrédients qui ne peuvent pas tous être suivis tout au long de la production», a encore précisé le Washington Post.
Motor Oil Hellas a déclaré dans un communiqué que « la société n’achète pas, ne traite pas et ne commercialise pas de pétrole ou de produits russes. Toutes ses importations sont certifiées d’origine non sanctionnée ».
Cependant l’entreprise n’a pas voulu répondre aux questions du Washington Post pour montrer comment elle s’assure de l’exactitude des certifications données au pétrole qu’elle achète.
Le Pentagone ne serait pas le seul acheteur involontaire de pétrole russe. Motor Oil Hellas a aussi vendu plus d’un million de barils à des acheteurs gouvernementaux et privés en Italie, en France, en Espagne et au Royaume-Uni, selon les registres de suivi des navires.