L’élection de l’Assemblée Constituante n’a, semble-t-il, pas mis la Tunisie sur le chemin de la stabilité et de la sécurité comme on pouvait l’espérer. Bien au contraire, les incidents se multiplient un peu partout dans le pays surtout dans les gouvernorats de Kasserine et Gafsa où les citoyens revendiquent, notamment, la résolution de leurs problèmes sociaux.
Mais, il n’y a pas que ça !
On peut commencer tout d’abord par cette fissure apparue dans le triumvirat composé d’Ennahdha, du Congrès Pour la République et d’Ettakatol autour de certaines questions ayant trait aux attributions respectives du Président de la République et du Premier Ministre, ainsi que dans la majorité requise pour l’adoption des dispositions constitutionnelles futures, les uns (ceux d’Ennahdha) prônant, en seconde lecture, la majorité simple, alors que les autres souhaitent (y compris les autres partis représentés au sein de ces commissions) une majorité qualifiée des deux tiers.
En fait, les partis « civils » craignent, à juste titre d’ailleurs, que les Islamistes ne tentent de faire le forcing et d’imposer leur emprise tant sur la gestion des affaires de l’État, avec des attributions dignes d’un Calife pour le premier ministre (qui aurait la possibilité, après une délégation de la Constituante, de « légiférer » c’est-à-dire de se substituer au législateur et de prendre des lois), de disposer du pouvoir réglementaire général (il aurait la possibilité de prendre des décrets à caractère réglementaire), de pouvoir nommer aux hautes fonctions de l’État qu’elles soient civiles ou militaires, que sur le mode d’adoption de la Constitution. Ce cas de figure ouvrirait la voie à une totale concentration des pouvoirs, exécutif et législatif, et serait d’autant plus dangereux que les expériences vécues, par le passé, par notre pays ont donné lieu à des dérives et à un totalitarisme qui a préparé le lit à une véritable dictature étouffante que le Peuple tunisien ne souhaite plus jamais revivre.
Quant au Président de la République, il n’aurait pratiquement aucun pouvoir réel puisqu’il sera confiné dans des attributions honorifiques ou formelles dans la mesure où il ne serait, en fin de compte, qu’un simple scribe qui signerait les décrets sans avoir aucune influence sur leur contenu, ou une institution qui servirait à la parade qui ne ferait que légitimer une mainmise partisane !
Cette tendance est repoussée vigoureusement tant par les partis qui ont choisi le camp de l’opposition que par l’ensemble de la société civile, qui dénonce ce monopole et cette nouvelle dictature annoncée.
Mais, les choses ne se sont pas arrêtées là puisque l’on assiste, de nouveau, à cette vague, œuvre d’une minorité agissante, de vouloir imposer la restriction des libertés académiques à l’université. Si aujourd’hui, on demande simplement d’autoriser quelques filles de porter le niqab à l’intérieur de l’enceinte universitaire ou de réserver une salle de prière, on risque demain de voir des enseignantes violentées pour se soumettre aux rigueurs vestimentaires (comme cela s’est déjà produit) ou d’orienter les cours vers des tendances rigoristes.
Il est clair qu’en voulant imposer, y compris par l’usage de la violence, ces pratiques inhabituelles et totalement étrangères à notre société et qui sont insidieusement et sournoisement soutenues, elles risquent, si elles se poursuivent, de mener le pays vers la violence confessionnelle et ouvrirait la voie à la sédition. Car, les citoyens qui ne partagent pas ces convictions, et ils sont une écrasante majorité, se verraient taxer d’apostats.
Aujourd’hui, notre pays a besoin de consensus, chose que les extrémistes ne peuvent accepter voulant imposer leur vision du monde et de la Cité à tous les citoyens. Ceux qui croient atteindre cet objectif se trompent lourdement d’époque et pourraient entraîner le pays dans un interminable cercle vicieux très dangereux à la fois pour notre avenir commun et surtout pour la Démocratie pour laquelle se sont sacrifiés les Tunisiens.