Il fut un temps, pas si lointain, où la Tunisie vibrait au rythme des sigles, des congrès et des programmes. Après la révolution de 2011, le pays avait assisté à une explosion de l’activité partisane, comme une revanche sur des décennies de monopole politique. Les partis fleurissaient par dizaines, parfois par centaines, traduisant un besoin urgent d’expression, de représentation et de recomposition du champ politique.
Mais, près de quinze ans plus tard, le paysage est méconnaissable. Les événements du 25 juillet 2021 ont agi comme un séisme. Depuis, les partis semblent frappés de mutisme, incapables de digérer le changement de régime politique, tétanisés face à une nouvelle donne qui ne leur laisse que peu de marges de manœuvre. Le vide qu’ils laissent est flagrant : plus de mobilisation de terrain, plus de relais auprès des citoyens, plus de débat national structuré.
Cette quasi-absence n’est pas seulement conjoncturelle. Elle révèle, en profondeur, une faiblesse constitutive. Beaucoup de ces formations n’ont jamais été de véritables partis au sens plein du terme : dotés d’une organisation pérenne, d’une vie interne structurée, d’une vision programmatique claire. Trop souvent, elles se sont réduites à l’ombre d’un chef, à une coalition de personnalités, à un appareil sans base ni continuité.
Aujourd’hui, ce déficit se paie cash. Au lieu de s’imposer comme contre-pouvoirs ou force de proposition, les partis ont sombré dans l’invisibilité. Leur incapacité à s’adapter à la nouvelle réalité politique témoigne d’une crise de maturité.
La disparition quasi complète des partis du paysage national pose une question lourde : quelle place reste-t-il pour la médiation politique en Tunisie ? Sans partis solides, enracinés et capables d’incarner la diversité de la société, le risque est grand de voir la vie publique réduite à une relation directe, verticale, entre l’État et l’individu, sans espace de débat, de compromis ni de régulation collective.
L’histoire retiendra que la révolution avait ouvert une brèche, mais que les partis n’ont pas su l’élargir. Leurs silences actuels sont autant de preuves de leur fragilité.