Troisième volet de notre reportage consacré au témoignage de Karim Ben Brahim. Comme nous vous l’avons exposé, Karim a été utilisé puis manipulé par Sakher El Matri, qui n’a pas hésité par la suite, à le faire torturer comme il le raconte dans ce dernier volet de notre reportage. Le calvaire de Karim s’est poursuivi en prison avec la complicité des services de l’état inféodés au bon vouloir des membres de la famille du clan mafieu. Une histoire qui illustre de façon tragique les méthodes de l’ancien régime.
Dès le premier retour de Karim de Londres vers la Tunisie le 3 Février 2009 il se trouva enlevé par les agents de la sécurité nationale dès sa descente de l’avion. Cagoulé et forcé à monter dans un 4×4, il a été emmené au ministère de l’Intérieur. Et c’est la que son calvaire a commencé. Il y a été dénudé, insulté, violenté et y a subi plusieurs tentatives de viols par des matraques. Karim a vraiment senti que ses jours étaient comptés, sans comprendre pour autant le motif de son enlèvement camouflé en arrestation. Trois jours de maltraitance sont passés et c’est au bout du troisième que le vrai cauchemar a commencé pour cet employé de l’ambassade. On lui a demandé d’écrire sur une feuille le nom de tous ses amis qui habitaient dans sa ville natale, sans exception, tous les hommes les plus proches comme les moins proches.
Pendant tout ce temps là, sa famille qui était venue l’accueillir à l’aéroport, est restée sans nouvelles.
L’opération a été réalisée avec une telle subtilité. La brigade des affaires des mœurs s’empara de l’affaire. Après que des recherches aient été menées, un des hommes présent sur la liste a été emmené le 7 Février 2009 au ministère, un certain Maher el H. Connu pour être simple d’esprit et pour ses antécédents dans des affaires de drogue, Maher était la victime parfaite. Il a été forcé d’avouer, devant Karim, avoir eu des rapports sexuels avec lui devant le parc du club africain a Tunis.
C’est ainsi que Karim a été jugé et qu’une peine de 6 mois de prison ferme lui a été ordonnée le 21 Février 2009. Bien sûr, le juge chargé de l’affaire était M Mohamed Ben Chwika, un des six juges écartés pour corruption. Le cauchemar continua, le nom de Karim fut mis sur la « black list » des personnes sous surveillance aux frontières (code 07). Son téléphone était sous écoute et il lui était interdit de quitter la Tunisie. Il se retrouva ainsi sans travail, ni revenu.
L’ombre de cette famille plane toujours et malgré tout, la peur subsiste encore. L’affaire n’est pas simple. Elle touche un point sensible de la vie de l’homme d’affaires mais aussi de celle de personnages influents de l’ancien régime. Une plainte a été déposée au nom de Karim afin que justice lui soit rendue. Dans sa plainte, il accuse Sakher El Materi, Mohamed Ghariani, Rafik Hadj Kacem et Hamida Labidi. Maitre Mohamed El Mehrzi Abbou vient de saisir l’affaire au tribunal et vient d’obtenir l’ordre qu’une enquête soit ouverte.
Les dommages ont été importants pour cet homme: plus de travail, sa vie privée a été affaiblie et son image a été touchée. Il a adressé une lettre à trois ministres, celui de l’Intérieur et développement Local, celui de la Justice et droits de l’homme ainsi que celui des affaires étrangères.
Karim veut être blanchi et reprendre son travail original. Il conclut ; « J’ai un gamin de 12 ans, il en a vraiment souffert ».
Les deux précédents articles:
Karim, l’homme qui fut aux petits soins des Ben Ali
Sakher El Materi n’assume pas son penchant pour les hommes…