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JCC 2025 – « Aurora’s Sunrise » : raconter un génocide à travers une histoire individuelle

par Neïla DRISS
mercredi 17 décembre 2025 09:00
dans Culture
JCC 2025 Aurora's sunrise

Sélectionné dans le cadre de la 36ᵉ édition des Journées Cinématographiques de Carthage, qui se tient du 13 au 20 décembre 2025, Aurora’s Sunrise (Aurora, une étoile arménienne), réalisé par Inna Sahakyan, est présenté dans la section « Focus sur le cinéma arménien ». Le film retrace le parcours d’Arshaluys Mardiganian, connue sous le nom d’Aurora, survivante du génocide arménien, et fait de son histoire personnelle le point d’entrée d’un récit beaucoup plus vaste, où la mémoire individuelle devient indissociable de l’histoire collective d’un peuple anéanti.

Aurora est encore adolescente lorsque débute, en 1915, le génocide des Arméniens dans l’Empire ottoman. Elle voit sa famille exterminée, son univers détruit, et traverse les violences extrêmes des déportations, des marches forcées, de l’esclavage et des sévices avant de parvenir à s’échapper. Prise en charge par une association alors qu’elle se trouve encore en Arménie, celle-ci organise son départ et lui permet de rejoindre les États-Unis. Ce soutien, mis en place dès l’origine, rend possible non seulement sa survie, mais aussi, plus tard, la diffusion de son témoignage.

La genèse de Aurora’s Sunrise repose sur un matériau rare : des entretiens filmés et enregistrés avec Aurora Mardiganian peu avant sa mort, survenue en 1994 à l’âge de 93 ans. Conservés par le Zoryan Institute, ces témoignages constituent la colonne vertébrale du film. Inna Sahakyan construit son œuvre à partir de cette parole directe, en assumant le caractère fragmentaire de la mémoire et en refusant toute reconstitution exhaustive ou illustrative.

La forme du film est déterminante, et Aurora’s Sunrise en pose le principe dès ses premières minutes. Le film s’ouvre sur la première de Auction of Souls (Âmes aux enchères), film muet réalisé en 1919 à partir du témoignage d’Aurora Mardiganian, dans lequel elle interprétait son propre rôle. Cette ouverture inscrit immédiatement le récit dans une histoire du cinéma marquée par la disparition, l’effacement et la survivance des images.

JCC 2025 
Aurora's sunrise
JCC 2025 – L’affiche du film « Auction of Souls (Âmes aux enchères) »

Construit à partir de plusieurs matériaux distincts, Aurora’s Sunrise mêle des séquences d’animation, des images d’archives photographiques et cinématographiques du début du XXᵉ siècle, l’interview filmée d’Aurora réalisée peu avant sa mort, ainsi que des fragments retrouvés de Auction of Souls. Longtemps considéré comme perdu, le film de 1919 n’a été conservé que de manière partielle. Ce n’est que des décennies plus tard, après la mort d’Aurora, que quelques scènes ont été retrouvées et intégrées au film de Sahakyan, permettant à ces images disparues de réapparaître et de dialoguer avec une œuvre contemporaine.

À travers ce travail sur les images manquantes, Aurora’s Sunrise pose aussi la question du cinéma comme archive de substitution. Lorsque les documents officiels font défaut, lorsque les images ont été détruites, perdues ou effacées, le cinéma devient un espace où l’histoire peut continuer d’exister autrement. Non pas comme preuve judiciaire ou document institutionnel, mais comme trace sensible et incarnée. Le film ne remplace pas les archives absentes ; il affirme leur disparition, tout en refusant que cette absence équivaille à un oubli.

L’animation occupe une place centrale dans ce dispositif. Elle permet de représenter ce qui n’a jamais été filmé : l’enfance d’Aurora, la destruction de sa famille, les marches forcées, la fuite, la violence quotidienne. Le dessin est stylisé, les corps parfois réduits à des silhouettes, les visages esquissés, laissant apparaître l’absence, le manque et la perte plutôt qu’une reconstitution réaliste. Cette animation dialogue constamment avec les archives et les fragments du film de 1919, créant une circulation entre mémoire vécue, mémoire filmée et mémoire reconstituée.

C’est précisément cette forme hybride qui confère à Aurora’s Sunrise une force de narration exceptionnelle. En combinant animation, archives, fragments de cinéma muet et témoignage direct, le film ne crée aucune distance avec la réalité ; il la rend au contraire plus tangible. L’histoire d’Aurora s’impose comme une expérience vécue, indiscutable dans sa réalité, et permet de raconter le génocide arménien dans toute son horreur. Si le film avait été conçu comme un documentaire classique, reposant uniquement sur des images d’archives et des entretiens, il n’aurait pas eu cette puissance de narration. La forme choisie donne corps à ce qui a été détruit et permet de faire exister une réalité longtemps reléguée dans les marges de l’histoire officielle.

Le corps d’Aurora occupe dans ce dispositif une place centrale. Il n’est pas seulement le corps d’une survivante marquée par la violence, mais devient un véritable espace politique. Corps filmé en 1919 dans Auction of Souls, corps exposé publiquement à Hollywood, corps juridiquement contrôlé lorsqu’Aurora est placée sous tutelle, corps qui témoigne encore des décennies plus tard dans une interview enregistrée avant sa mort, corps enfin reconstitué par l’animation. À travers ces différentes strates de représentation, le film montre comment un même corps traverse plusieurs régimes de visibilité et de pouvoir, révélant les liens étroits entre image, autorité, récit et domination.

À travers Aurora, Aurora’s Sunrise raconte l’histoire collective d’un peuple entier. Son parcours individuel — la perte de sa famille, la violence subie, l’exil — devient le prisme à travers lequel se lit l’anéantissement des Arméniens. Le génocide apparaît non seulement comme un événement historique, mais comme une blessure ouverte, jamais refermée. Le récit d’Aurora ne mène à aucune réparation, à aucune reconnaissance officielle, à aucune justice. Survivre ne signifie ni être réparée, ni être entendue, ni être reconnue par ceux qui ont exercé la violence. Le film rappelle ainsi que le génocide arménien demeure un crime sans tribunal et sans condamnation, et que cette impunité continue de peser sur la mémoire arménienne contemporaine.

À un moment précis du film, Aurora évoque explicitement cette absence de sanctions. Elle regrette que les responsables n’aient jamais été jugés et affirme que cette impunité a pu permettre la répétition des crimes de masse au XXᵉ siècle. Elle avance l’idée que si les auteurs du génocide arménien avaient été traduits en justice et sanctionnés, l’Holocauste aurait peut-être pu être évité. Elle précise toutefois que la justice qu’elle appelle de ses vœux ne passe ni par la vengeance ni par les armes : elle rejette toute logique de représailles sanglantes et insiste sur la nécessité de véritables procès, menés dans un cadre légal.

Une fois arrivée aux États-Unis, le témoignage d’Aurora est d’abord publié sous forme de feuilleton dans la presse américaine. Il est ensuite repris et développé sous forme de livre en 1918, avant d’être porté à l’écran l’année suivante avec Auction of Souls (Âmes aux enchères). Ce film s’inscrit dans une vaste campagne de sensibilisation et de mobilisation. Aurora’s Sunrise affirme que cette mobilisation a permis de réunir 116 millions de dollars, une somme colossale pour les années 1920, qui a servi à la construction d’orphelinats dans plusieurs pays du monde et au sauvetage de 128 000 enfants arméniens devenus orphelins après l’extermination de leurs familles

Mais le film ne réduit pas cette histoire à une réussite humanitaire. Il développe une réflexion plus profonde sur le pouvoir du narratif. Le récit d’Aurora est compris très tôt comme un outil capable de transformer les regards, d’influencer les mentalités et de rendre visible une tragédie que beaucoup ignoraient ou préféraient ignorer. Le narratif ne sert pas seulement à collecter des fonds ; il agit comme un levier politique, culturel et symbolique, capable d’inscrire un peuple et son histoire dans l’espace public. Cette question du narratif demeure d’une actualité brûlante, bien au-delà du contexte historique du film.

Cette puissance du récit n’est toutefois pas sans coût. Le film montre comment l’histoire d’Aurora est également confisquée et exploitée à titre individuel par un auteur américain qui s’en approprie les droits, devient son tuteur légal alors qu’elle est encore mineure, et tire un profit financier personnel de son témoignage. Cette exploitation s’inscrit dans un rapport de pouvoir juridique et économique profondément inégalitaire, transformant une survivante en objet de contrôle et de profit, indépendamment de l’engagement humanitaire auquel Aurora avait consenti.

Si Aurora’s Sunrise s’ancre dans une époque précise, il résonne de manière troublante avec le monde contemporain. La circulation accélérée des récits, leur instrumentalisation, la hiérarchisation des tragédies selon les intérêts géopolitiques, la sélection de ce qui mérite d’être montré ou ignoré restent des mécanismes à l’œuvre aujourd’hui. Le film éclaire ces dynamiques persistantes et rappelle que le narratif continue de façonner les perceptions et les réponses politiques face aux crimes de masse.

La réflexion du film s’inscrit enfin dans un contexte politique plus large. La médiatisation du génocide arménien et la mobilisation qu’elle suscite aux États-Unis s’articulent avec des projets géopolitiques de l’après-guerre, notamment celui, défendu par le président Woodrow Wilson, d’un mandat ou d’un protectorat américain sur l’Arménie. Le récit d’Aurora devient alors un outil de persuasion internationale. Mais ce projet est abandonné lorsque les priorités diplomatiques évoluent et que les relations entre les États-Unis et la Turquie se normalisent, révélant la fragilité des engagements politiques et la dépendance du destin d’un peuple aux intérêts stratégiques du moment.

La disparition de Auction of Souls, film pourtant largement distribué et projeté à travers les États-Unis au moment de sa sortie, ne peut qu’interroger. Longtemps considéré comme totalement perdu, il est resté introuvable pendant de très nombreuses années. Le film ne fournit pas de réponse définitive, mais laisse ouverte l’hypothèse d’un effacement lié à des enjeux politiques. La redécouverte tardive de fragments, après la mort d’Aurora, et leur intégration dans Aurora’s Sunrise, redonnent une existence à ces images perdues tout en rappelant ce qui a irrémédiablement disparu.

JCC 2025 
Aurora's sunrise
JCC 2025 – La famille d’Aurora, dont sa soeur et elle sont les seules survivantes.

Le film met également en lumière une autre forme de violence, plus diffuse mais tout aussi destructrice : le silence. Silence judiciaire, puisque les responsables du génocide arménien n’ont jamais été jugés. Silence diplomatique, lorsque les intérêts géopolitiques prennent le pas sur la reconnaissance des crimes. Silence historique enfin, lorsque les images disparaissent et que les récits sont relégués en marge. Aurora’s Sunrise montre que le silence n’est jamais neutre : il agit, prolonge la violence et favorise la répétition.

En redonnant chair et voix à Aurora, Inna Sahakyan ne prétend ni réparer l’histoire ni refermer ses blessures. Elle montre que le cinéma peut devenir un espace de mémoire critique, capable de révéler à la fois la puissance du récit et ses zones d’ombre : ses manipulations, ses silences, ses usages politiques. Aurora’s Sunrise est ainsi un film sur la survivance, non seulement d’un peuple, mais aussi d’un récit arraché, instrumentalisé, puis lentement réapproprié.

Poignant, le film permet enfin à celles et ceux qui ne connaissent le génocide arménien que de manière vague d’en saisir plus précisément la réalité, l’ampleur et l’horreur. Et il impose un constat amer : plus d’un siècle après ces crimes, l’humanité n’a toujours pas retenu la leçon. Des génocides et des massacres sont encore en cours aujourd’hui, pour des raisons diverses, comme si l’être humain ne pouvait se défaire de la guerre et de la destruction. Aurora’s Sunrise rappelle alors, avec une force implacable, que raconter, transmettre et nommer restent des actes essentiels — peut-être les seuls capables de lutter contre l’oubli et la répétition.

Neïla Driss

Tags: CinémaCinéma ArménienFestivalFilmJCCJCC 2025Journées cinématographiques de Carthage

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