Festival de Cannes 2016 – Un vent de liberté ou Inversion est un film iranien, écrit et réalisé par Behnam Behzadi, avec Sahar Dolatshahi, Roya Javidnia, Ali Mosaffa et Alireza Aghakhani dans les principaux rôles. Ce film est en compétition dans la section Un certain regard de cette 69ème édition du Festival de Cannes.
Le titre du film Inversion fait référence à l’état de «l’inversion thermique» à Téhéran, capitale de l’Iran, qui souffre d’une grande pollution atmosphérique toxique. C’est une situation oppressante pour les habitants qui sont obligés d’y vivre. Mais dans Inversion, la pollution déclenche une réaction en chaîne de discorde familiale qui se referme sur l’héroïne, Niloofar, jusqu’à ce qu’elle l’oblige à trouver une nouvelle source d’air.
Niloofar est une jolie jeune iranienne de 35 ans. Elle a monté sa propre entreprise, d’une douzaine d’employés, possède sa propre voiture et a même un prétendant. Tout parait lui sourire. Sa famille semble unie et heureuse.
Célibataire, elle vit avec sa maman Mahin (Shirin Yazdanbakhsh), qui souffre d’une maladie pulmonaire chronique.
Mais voila que la maman a une crise d’asthme et les médecins sont formels: elle doit quitter Teheran, trop polluée pour ses poumons fragiles. Elle doit même partir dès sa sortie d’hôpital.
Niloofar a une sœur et un frère, tous deux mariés. A son insu, ils décident qu’elle partira habiter avec leur mère dans une maison qu’ils possèdent dans le nord du pays. Ils ont décidé pour elle, sans la consulter, sans même l’en informer. Ils ont juste pris cette décision pour elle. Apres tout, Niloofar n’est qu’une femme célibataire, sans mari ni enfants, elle n’a qu’à se sacrifier pour la famille.
Dans un premier temps, Niloofar accepte de se plier à cette décision. Elle partira avec sa mère. Elle prend des dispositions pour que son atelier reste ouvert et prévoit de venir de temps en temps inspecter le travail. Mais surprise, son frère copropriétaire avec elle de l’immeuble, hérité de leur père, dans lequel se trouve l’atelier, a décidé de le louer. Il a besoin d’argent et a pris la décision de louer le bien commun, encore une fois sans consulter sa sœur ni même l’en informer. Le fait que l’atelier se trouve dans cet immeuble et qu’il représente des années de travail pour sa sœur n’a pour lui aucune importance. Qu’elle tire ses revenus de son entreprise ne l’a pas non plus arrêté. Il a des dettes, il doit les payer, il est l’homme, c’est lui qui décide, et sa sœur n’a qu’à se plier à sa volonté !
Niloofar est consternée. Elle se sent prise au piège. Sa vie lui échappe. Elle réalise que sa vie entière est décidée pour elle. Elle se met en colère et affronte son frère qui la menace. Elle décide finalement de refuser que sa famille dispose d’elle de cette manière et refuse de partir. Elle va trouver un autre local pour transférer son atelier.
Le frère et la sœur aînés ne comprennent pas cette rébellion. Ils refusent même d’envisager de trouver un compromis. Ils menacent Niloofar et la somment carrément de quitter son logement, bien commun hérité. Niloofar ne plie pas face à la menace. Elle se prend en main.
Cote cœur, ce n’est pas la joie non plus. Elle apprend que son prétendent lui cachait qu’il avait un fils qui vivait avec lui. Elle comprend qu’il voulait la mettre devant le fait accompli. Elle voudra rompre.
En fait, le film relate la rébellion de cette jeune femme. Elle est intelligente, elle est belle, elle est financièrement indépendante. Professionnellement elle réussit d’ailleurs bien mieux que son frère. Mais malgré tout cela, la famille veut lui imposer ses décisions. C’est comme si on ne reconnaissait pas sa personne, qu’on ne respectait pas ses choix. Son individualité n’a pas de place face à la famille.
Le film montre une société iranienne où le mâle est privilégié, même si moins compétent. Sa part plus importante dans la succession de son père lui donne un avantage sur ses sœurs et lui permet d’imposer ses décisions quant à la gestion de ces biens hérités. Niloofar va mettre un terme à cela. Elle va exiger de son frère qu’il liquide la succession et qu’il lui remette sa part.
Mais paradoxe de la société iranienne, on voit cette femme forte, ayant du caractère, ne se laissant plus faire
A la fin du film, même si Niloofar va quitter Téhéran, elle ne se soumettra plus. Elle a pris sa vie en main. Elle a choisi d’accompagner sa mère, mais exige que son frère et sa sœur viennent périodiquement la remplacer quelques jours pour qu’elle puisse vaquer à ses propres occupations. Elle a également imposé le partage de la succession pour être la seule dorénavant à gérer ses propres biens. En réalité elle a su trouver elle-même le compromis qui lui permet de remplir ses obligations familiales, et en même temps de prendre ses décisions, faire ses choix et continuer à mener sa vie.
Tous les acteurs ont très bien joué leur rôle. Le choix de l’actrice Sahar Dolatshahi est excellent. Elle a le physique qui sied au rôle. Son visage est rieur, son regard est volontaire. Elle est pleine de vie et cette vitalité est communicative.
Le film est très équilibré, à aucun moment on ne s’ennuie, on est plongé dans l’histoire et on accompagne Niloofar dans son cheminement. On comprend avec elle que le seul moyen de se libérer est sa propre volonté.
Par ailleurs, le film permet d’avoir un aperçu de la société iranienne pratiquement inconnue dans nos pays. Il montre également que contrairement à l’image que nous en avons, la femme iranienne n’est pas obligatoirement une femme soumise et effacée. Au contraire, elle a sa propre personnalité et peut, grâce à sa volonté, se prendre en charge, faire ses choix et les assumer, même si elle reste quand même enfermée dans un cadre légal et social qui lui est très hostile.
Bande annonce:
Neïla Driss