Il est un signe clair, qui ne trompe pas: l’enquête sur la tentative d’assassinat dont a été victime Ridha Charfeddine vient d’être confiée à l’unité de recherches sur les crimes terroristes.
Ainsi, la nature terroriste de l’attentat dont a été la cible le député de Nidaa Tounes à Sousse et président de l’Etoile du Sahel ne devrait plus faire de doute. D’ailleurs, l’audition imminente du ministère de l’Intérieur à l’Assemblée des Représentants du peuple devrait confirmer ces observations.
Un modus operandi révélateur
Hier encore, des questions existaient sur la nature de cet attentat contre ce responsable politique. S’agissait-il d’un acte isolé ? D’un acte lié au banditisme ou à une incroyable dérive d’individus en quête de vengeance ?
Aujourd’hui, la nature terroriste de cette attaque ne devrait plus faire de doute et il s’agit désormais de remonter les pistes pour comprendre les ressorts de cette exécution programmée et heureusement avortée grâce à l’instinct de Charfeddine qui a eu les gestes qu’il fallait pour sauver sa peau.
Notons d’abord que le modus operandi de cette tentative d’assassinat ressemble à celui qui a fait l’été dernier, toujours à Sousse, une victime dans les rangs des forces de l’ordre. On se souvient de ces agresseurs en moto qui avaient tiré sur un agent de police avant de fuir.
Notons également l’intensité des tirs nourris qui ont visé Ridha Charfeddine. Plusieurs impacts ont été relevés sur son véhicule et les douilles des balles se comptent par dizaines sur la scène du crime.
Cette tentative de meurtre remet aussi à l’esprit les exécutions dont ont été victimes les martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, cueillis par des terroristes en moto, devant le seuil de leurs demeures.
La nature terroriste de l’attentat
Toutefois, hier, la victime désignée de l’acte criminel terroriste était en voiture et a pu, grâce à des réflexes étonnants, échapper au piège qui lui était tendu.
Les criminels ont quant à eux pris la fuite à bord de leur voiture et ont pu soit rejoindre une planque soit sortir du gouvernorat de Sousse.
C
ette évaporation – provisoire, nous l’espérons – des agresseurs de Ridha Charfeddine est un autre indice de la nature terroriste de l’attaque. D’abord, l’utilisation d’une automobile était de nature à permettre un repli plus rapide voire une exfiltration complète du lieu de l’attentat.
Ensuite, la disparition des agresseurs révèle mécaniquement des connivences et un soutien logistique probable trouvant ses origines dans une de ces fameuses cellules dormantes du terrorisme.
Les agresseurs sont-ils liés au jihadisme ? Proviendraient-ils d’autres réseaux à la croisée du terrorisme, du banditisme et de la contrebande ? Sont-ce des exaltés, embrigadés et manipulés, agissant pour le compte de nébuleuses difficiles à identifier ?
L’enquête devra nous dire le vrai du faux et suivre la piste encore chaude des agresseurs.
Viser la transition tunisienne à travers des attentats ciblés
Enfin, cette agression terroriste sera-t-elle annonciatrice d’une vague d’attentats ciblés visant des personnalités en vue, des acteurs politiques, médiatiques ou intellectuels ?
La présomption est grande en ce sens. Car, ne l’oublions pas, cet attentat contre Ridha Charfeddine intervient alors que des menaces pèsent sur Moez Ben Gharbia, journaliste tunisien qui dit avoir trouvé son salut en se réfugiant en Suisse et promet des révélations fracassantes sur les meurtres dont ont été victimes Belaid ou Brahmi.
En ce sens, le chef du gouvernement vient de demander d’assurer et renforcer la protection de Ben Gharbia à son retour en Tunisie.
Ces deux affaires sont-elles liées ? En d’autres termes, sont-ce les révélations promises par Ben Gharbia qui auraient poussé les agresseurs de Charfeddine à agir ? On peut en douter mais souvent les liens inextricables qui lient banditisme et terrorisme mènent à ce genre de situations incompréhensibles.
Actes déconcertants ou actes concertés ?
D’autre part, si les deux événements ne sont pas liés, est-ce à dire qu’une campagne aveugle pourrait voir le jour qui viserait des responsables politiques et, à travers eux, cette étape de la transition tunisienne ?
En ce sens, ces actes déconcertants seraient-ils concertés et viseraient-ils à fragiliser une situation politique et économique qui va vers la stabilisation ?
L’enquête nous le dira certainement alors que ce qui importe aujourd’hui est bien de renforcer la protection de nombreux acteurs politiques en ayant à l’esprit que la vigilance doit être remontée d’un cran car le terrorisme aveugle peut frapper n’importe où et n’importe quand.
Hatem Bourial