Le fait est suffisamment Ă©quivoque et outrancier pour que l’on y revienne. D’ailleurs, pratiquement aucun commentaire n’a Ă©tĂ© fait Ă notre connaissance en ce qui concerne cet « évĂ©nement ».
Samedi dernier, sur les marches du Théâtre municipal et alentour, ils Ă©taient nombreux Ă scander des slogans contre la loi de rĂ©conciliation. Majoritairement jeunes et fortement mobilisĂ©s, les manifestants ont fustigĂ© cette loi et ceux qui l’ont portĂ©e sur les fonts baptismaux.
Seulement, Ă plusieurs reprises, le terme « tahhan » – Ř·Řان – (au singulier et au pluriel) a Ă©tĂ© profĂ©rĂ© Ă plusieurs reprises. Cette expression très connotĂ©e en arabe tunisien dĂ©signe au sens propre un meunier et prend au sens figurĂ© un caractère d’insulte.
Ce terme fait clairement partie du registre des « gros mots » et constitue sans doute aucun une injure qui n’est pas admise dans le langage courant et porte un sens scabreux.
L’utilisation de ce terme dans une manifestation politique l’Ă©claire d’un nouveau jour. En effet, dans l’esprit des manifestants, ce terme Ă©tait introduit dans le sens de « corrompu » ou « salaud ». ScandĂ© Ă plusieurs reprises, ce terme est donc passĂ© dans le registre des expressions politiques, ce qui d’ailleurs renseigne sur le niveau atteint par le « dĂ©bat dĂ©mocratique » en Tunisie.
A mon humble avis, il s’agit d’un vĂ©ritable dĂ©rapage car une saine colère ne saurait choisir ce lexique ordurier. D’autres seront d’un avis diffĂ©rent et nous pouvons en discuter.
Pus grave, la même manifestation a eu recours à des slogans qui en général, ont cours dans les stades, en particulier dans les virages. Ainsi, à plusieurs reprises, on a entendu le slogan « Toul amarkom tichou tahanna » qui signifie littéralement « Toutes vos vies vous les passerez comme des cocus » et se chante lorsque les supporteurs fustigent les joueurs de leur propre équipe. Ce qui en soi prête à rire quand nous sommes dans une manifestation où la gauche proteste contre une loi votée par la droite.
Bref, ces propos orduriers qui proviennent d’un registre n’ayant rien Ă voir avec les protestations politiques, s’inscrivent dĂ©sormais en lettres honteuses dans le dictionnaire politique tunisien.
Dans le passĂ©, nous avions eu Ă entendre les propos scabreux d’un certain Safi Said ou les outrances de quelques dĂ©putĂ©s en pleine hystĂ©rie. Cette fois, nous sommes confrontĂ©s Ă des slogans d’un autre type qui en disent long sur nos mĹ“urs politiques actuelles et les dialogues de sourds qui nous servent de dĂ©bats d’idĂ©es.