Le toponyme « Kélibia » a des origines historiques lointaines qui pourraient remonter aux temps libyques et puniques.
La lente évolution du toponyme Kélibia se nourrit de nombreuses hypothèses. Le nom actuel de cette ville du Cap Bon provient de toute évidence de la forme latine « Clipea ».
Ainsi Kélibia apparaît clairement comme une évolution de Clipea. Cela coule de source, d’autant plus que les sonorités sont très proches.
Que veut dire Clipea ? Ce terme latin signifie « bouclier de forme arrondie » et évoque fortement la colline sur laquelle se trouve la citadelle de Kélibia.
Soit dit en passant, Clipea est une forme plurielle dont le singulier est Clupeus. Ce qui en soi pose une question supplémentaire : pourquoi les boucliers (Clipea) et non pas le bouclier (Clupeus) ? Une énigme sans explication !
Ainsi, le toponyme aurait été inspiré par la géographie et, devant le relief qui domine le mouillage, le terme Clipea aurait été choisi pour nommer la ville.
Seulement, l’histoire nous enseigne autre chose. En effet, un autre toponyme antique a désigné l’actuelle ville de Kélibia. Il s’agit de celui d’Aspis qui est le nom grec de la cité.
Aspis a été utilisé par le géographe Strabon au troisième siècle avant notre ère, lors de la fameuse expédition d’Agathocle. Que signifie le terme « Aspis » ?
Il a le sens de bouclier et désignait ceux qu’utilisaient les guerriers grecs. Dès lors, il semble que les Romains ont simplement traduit « Aspis » en latin et opté pour « Clipea ».
Pourquoi les Grecs ont-ils choisi Aspis ? Probablement à cause de la géographie, en se référant au mont qui domine le lieu et évoque la forme arrondie des boucliers.
Dès lors, une question se pose dans toute son acuité : quel était le nom antérieur de Kélibia ? Existe-t-il des toponymes libyque ou punique alors que les preuves archéologiques d’occupations antérieures aux Grecs le suggèrent ?
A ce titre, l’historien M’hamed Hassine Fantar propose une hypothèse intéressante et revient au toponyme libyque de Taphitis. Ce dernier a d’ailleurs été utilisé par Strabon, ce qui atteste sa pertinence.
Selon l’hypothèse de Fantar, Taphitis pourrait aboutir à Aspis par l’ablation du « t » comme cela s’est produit pour plusieurs toponymes. Un passage de Aphitis à Aspis, par une légère altération, est ainsi dans l’ordre du possible.
Fantar évoque une autre hypothèse qui avance le toponyme punique de Magen, un terme qui signifie « bouclier » dans cette langue sémitique.
Dans cette optique, le nom punique de Kélibia aurait été Magen et les Grecs l’auraient traduit pour aboutir à Aspis. Helléniser les toponymes est d’ailleurs une habitude chez les Grecs qui ramenaient ainsi vers leur langue, les noms de lieux étrangers.
Par le jeu des traductions, sommes-nous passés de Magen à Aspis puis Clipea ? Quel est le sens premier de Taphitis ? Passionnantes questions qui révèlent combien la toponymie et l’étymologie peuvent enrichir notre savoir.
Pour conclure, il convient de jeter un regard sur la colline surmontée d’un fort, qui constitue l’image même de Kélibia. Saviez-vous que la configuration actuelle de ce fort, le rattache encore à l’époque byzantine ?
En effet, lorsque ce fort a été reconstruit par les Espagnols au seizième siècle, ce fut sur les assises byzantines qui elles-mêmes seront maintenues par les Ottomans.
D’ailleurs, ne dit-on pas que Clipea fut l’une des tout derniers bastions byzantins au temps de la conquête arabe ? L’histoire a d’ailleurs retenu la trace ténue de l’exode des derniers Byzantins de Clupea à destination de Pantelleria, la Cossyre de l’Antiquité qui n’allait pas tarder à devenir la Bent El Riyah arabe ?