Je vous invite à lire ce texte d’Isabelle Cohen. Née en Tunisie, elle vit aujourd’hui à Montpellier, en France.
Ses mots sont émouvants et pleins de réminiscences. Je les ai longtemps cherché pour enfin les trouver sous la plume d’Isabelle.
Je vous laisse savourer chaque mot de cette lettre d’amour d’une Tunisienne à son pays.
« A vingt ans, j’aimais la Tunisie de tout mon cœur. J’aimais l’ambiance méditerranéenne, les fleurs parfumées, les couleurs éclatantes et douces, la mer maternelle, les ciels bleus le jour et étincelants d’étoiles la nuit, et, bien sûr, la lune.
J’aimais les cimetières arabes où les corps sans cercueils sont en contact avec la terre et se fondent peu à peu dans cette nature dont ils font partie. Le cimetière sur la plage de Hammamet où les lys des sables fleurissent entre les tombes blanches me faisait rêver.
J’avais l’impression que mon corps et le sable étaient faits des mêmes particules. C’était, au sens propre du terme, ma terre natale.
J’aimais les gens, avec leur accent calme, leurs gestes expressifs, leur gaîté simple, leur bonheur sincère, leur chaleur.
Je suis née en Tunisie , j’y ai grandi , j’ai eu une enfance protégée, comme la plupart des enfants là- bas , du moins je le crois.
Je garde une reconnaissance émue à notre ancêtre qui charmé par cette terre accueillante décida de s’y installer avec les siens.
Cela n’est pas la peine de s’appeler Proust pour se remémorer avec émotion le goût des glaces à la fraise de chez Bébert, le fondant des dattes farcies de Chez les nègres, les effluves émanant de la boulangerie Panalex, le moelleux des beignets au miel du marchand de ftaïrs dans sa belle petite échoppe. Avec cette différence que ces saveurs et ces parfums, nous n’avons jamais pu les retrouver ailleurs.
Nous étions jeunes, et toutes ces sensations s’imprimaient d’autant plus fortement dans notre mémoire.
La lumière était aussi une chose unique. Elle était là, la plus grande partie de l’année. Elle nous réchauffait et nous donnait confiance dans la vie.
Et nos plages ! Elle n’avait rien d’extraordinaire cette plage, mais c’était la nôtre. La mer était très salée et collait à la peau et aux vêtements, on y nageait, on y pêchait, on s’y retrouvait, on s’y amusait pendant les mois d’été.
Le soir, on s’attardait sur la petite place du Saf Saf, typique avec sa noria, ses cafés; on dansait dans les endroits à la mode, dans une atmosphère de douce sensualité excitée par les couleurs, par les senteurs enivrantes de la nuit : la douceur orientale.
C’était notre Méditerranée. Elle avait été sillonnée par des marins, par des commerçants. Depuis des millénaires, elle avait connu les combats des aventuriers, des pirates, les tempêtes.
Elle était davantage un lien entre les peuples qu’un obstacle. Elle était à nous. Afin d’alimenter nos rêves .et transmettre un art de vivre empreint de douceur et de nonchalance !
Quel bonheur d’être nés en Tunisie. »