Voici une question qui pourrait faire couler des litres d’encre ! En effet, beaucoup d’amis de la Tunisie de confessions non-musulmane, font souvent part de leur incompréhension devant cette mesure qui se contente d’exclure sans autre forme de procès.
J’ai reçu un courrier en ce sens et voudrais le partager avec les lecteurs de webdo. Peut-être serait-il utile de débattre à ce propos et au moins confronter les différents points de vue.
Voici le courrier en question :
« J’aimerais vous poser une question. Il s’agit de l’accès aux sites islamiques en Tunisie, qui est interdit aux non-musulmans. J’aimerais savoir à quand remonte cette réglementation. S’agit-il d’une règle de l’époque husseinite qui a été maintenue sans modification ? Ou cette règle a-t-elle été fixée à l’époque du Protectorat français et restée en vigueur après l’indépendance ?
Peut-être pourriez-vous m’aider à répondre à cette question. Je vous en serais très reconnaissant. Mon intérêt est purement personnel. Dans d’autres pays du monde arabe, j’ai eu l’occasion de visiter des sites islamiques et j’ai été étonné d’apprendre qu’en Tunisie, c’était différent ».
N’ayant pas de réponse à ces questions, je me demande si parmi nos lecteurs, quelqu’un saurait y répondre. Ce que je peux dire pour ma part, c’est que la cour de quelques mosquées est accessible contre un droit d’entrée.
C’est le cas pour les grandes mosquées de Kairouan, Sousse et Mahdia et ce n’est malheureusement plus le cas pour la mosquée Zitouna à Tunis. Par ailleurs, la mosquée Fadhloun qui se trouve à Midoun, dans l’île de Djerba a été désaffectée et reçoit les visiteurs.
Hormis ces rares exemples, l’accès aux mosquées en activité est interdit aux non-musulmans. Cette interdiction peut d’ailleurs prendre un tour agressif et clairement inhospitalier comme en témoigne un panneau surréaliste, placardé sur l’une des portes de la mosquée Zitouna.
Comment expliquer cette interdiction ou du moins l’interpréter car il me semble qu’il n’y ait pas de texte juridique organisant l’accès aux lieux de culte. Peut-être existe-t-il une quelconque circulaire voire une note écrite ou verbale.
En tout état de cause, cet interdit peut être relié au tourisme de masse et à la difficulté de gérer les flux en période estivale. Confrontés à des visiteurs aux tenues ostensiblement dénudées, les décideurs auraient pris le parti de garder les portes fermées plutôt que contrôler les accoutrements.
Reste une question : quels sont ces décideurs ? À quel niveau interviennent-ils ? Le font-ils en se basant sur des textes ou bien en établissant une coutume ?
On peut en effet se demander si ces décisions d’interdire sont prises par les mosquées, leur tutelle au ministère des Affaires religieuses ou bien par la présidence du gouvernement ou le ministère de l’Intérieur. On peut également se demander quel est l’avis du ministère du Tourisme qui est impacté par cette décision.
En outre, l’accès aux mosquées ayant un caractère historique est également une source non négligeable de recettes et en soi, le fait que celles de Sousse, Kairouan et Mahdia soient ouvertes, suffit à établir une jurisprudence, ne serait-ce que pour le périmètre précis de la cour centrale d’une mosquée.
Reste la question de fond : pourquoi ce rejet implicite de toute altérité ? Pourquoi les synagogues et les églises sont-elles accueillantes alors que les mosquées tunisiennes ne le sont pas ? Pourquoi dans d’autres pays à dominante musulmane, est-il possible de visiter une mosquée mais pas en Tunisie ?
Cette situation est antithétique avec la vocation touristique de notre pays, son sens de l’accueil et la notion même de vivre-ensemble.
Des solutions doivent exister pour dépasser cet écueil. Par exemple, organiser au sein des mosquées, des visites guidées payantes, à jour fixe et à destination des résidents non musulmans qui vivent en Tunisie.
Ces visites pourraient avoir lieu chaque samedi ou chaque dimanche. Elles pourraient prendre la forme de mosquées portes ouvertes, une fois par mois, comme c’est le cas pour les musées.
Pour éviter tout incident, les visiteurs pourraient signer, comme cela se fait à Kairouan, un engagement de bonne conduite et de code vestimentaire.
En se creusant les méninges, loin de tout sectarisme, nous pourrions trouver de bonnes idées. Pourquoi par exemple, ne pas dédier quelques heures en matinée pour la visite de l’admirable mosquée de Carthage qui est éloignée des flux et représente un chef d’œuvre architectural et un joyau du savoir-faire des artisans tunisiens ?
Ce n’est qu’un exemple et les idées – généreuses et en gage d’ouverture – pourraient être très nombreuses pour valoriser notre identité et lever ne serait-ce que partiellement une interdiction dont on ne sait rien des arcanes juridiques.
Je rêve pour ma part d’accueillir toutes les altérités respectueuses dans nos mosquées et ne pas être obligé d’expliquer une interdiction qui au fond, s’oppose à l’esprit de la foi musulmane.
J’aimerais aussi ne plus entendre ce reproche qui, sans cesse, est exprimé par des amoureux de la Tunisie qui y passent plusieurs années de leur vie, sans avoir le droit de dépasser le seuil d’une mosquée.